Dans le coeur des manifestations, dans le coeur des manifestant.es

Vendredi le 31 mars sortait 2012 / dans le cœur, une réalisation de Rodrigue Jean et Arnaud Valade, véritable récit des manifestant.es du printemps érable, 10 ans après les événements. Le documentaire est de petite distribution – à Québec, il peut être visionné au Clap à Sainte-Foy.

Par Sabrina Boulanger, journaliste multimédia

D’entrée de jeu, je tiens à préciser que 2012 / dans le cœur n’est pas un film facile à regarder : ce sont 77 minutes où l’on se sent crispé.e dans son siège. Ça m’a d’ailleurs pris un long moment à décanter ce film qui est choquant et à me faire une tête sur ce qui est montré. Avant d’arriver en salle, si on n’est pas particulièrement familier.ère avec la grève étudiante de 2012, un coup d’œil sur la page Wikipédia du mouvement est de mise, puisque le documentaire ne se donne pas pour mission de relater le contexte et les enjeux. 

Son objectif est plutôt de montrer ce que les manifestant.es vivaient : le documentaire est monté à partir d’archives inédites de gens présents et de médias. Les longues séquences instables et hésitantes donnent le ton ; nous sommes au cœur des manifestations, dans l’émeute, nous sommes de celleux qui lancent des objets dans les vitres du palais des congrès. Les scènes sont violentes, les visages sont expressifs, les émotions sont grandes.

La force du film est certainement d’exposer et de susciter l’affect ; le.a spectateur.rice ne restera pas de marbre et sera forcément envahi.e de la peur, de la colère et de la fougue que les manifestant.es dégagent. C’est ce que j’ai préféré du film – il parvient à transmettre avec justesse l’escalade des émotions qui ont mené à toute la violence. Cette violence était grande tant du côté manifestant que du côté policier, quoique, sans surprise, les forces n’étaient pas égales : tandis que la foule décrite par les médias comme « prête à foutre le bordel » revêtait bandana, gants magiques, lunettes de ski et au mieux casques de vélo, elle faisait face à des policier.ères aux boucliers et aux matraques qui lançaient des gaz lacrymogènes, qui tiraient des balles de plastique et qui étaient très organisé.es entre elleux. 

Je n’ai pas été choquée par la partisanerie assumée du documentaire, critique reçue par 2012 / dans le cœur, parce que les réalisateurs ne prétendaient pas à l’objectivité et à la description entière des événements. J’ai en revanche beaucoup moins aimé la narration qui accompagnait ici et là la représentation. Très parcimonieuse, la voix de Safia Nolin lance tantôt des informations sur l’historique des corps policiers, et tantôt prête aux revendications d’hier des points de vue d’aujourd’hui. Le discours m’a paru superflu : les images étaient suffisamment éloquentes pour raconter la brutalité policière, et les vidéos qui tiennent en haleine capturent davantage l’attention que le ton d’un plat extrême de la narration, qui se faisait oublier. 

Le documentaire présente très bien la solidarité au sein d’un mouvement très marquant dans l’histoire du Québec, sans même porter d’attention aux discours politiques qui étaient clamés à l’époque. Il m’a semblé que cet élan qui a impliqué jeunes, vieux.illes, étudiant.es, citoyen.nes autour d’une cause est bien loin aujourd’hui, et que la mémoire étudiante de la mobilisation a beaucoup pâli depuis 2012…



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