Deadpool & Wolverine : débandade à la sauce 20th Century Fox

L’arrivée de Deadpool à la 20th Century Fox en 2016 promettait aux fans qui avaient repéré Wade Wilson dans X-Men Origins : Wolverine, en 2009, de voir un jour les deux personnages réunis à nouveau au grand écran. Au grand dam des fans, il aura fallu attendre presque dix ans pour que la collaboration des deux super-humains voie le jour dans le troisième (et dernier ?) volet de Deadpool. L’attente en valait-elle la peine ?

Par Léon Bodier, journaliste collaborateur

Scénario : Ryan Reynolds, Rhett Reese, Paul Wernick, Zeb Wells | Réalisation : Shawn Levy | Photographie : Georges Richmond | Musique : Rob Simonsen | Montage : Dean Zimmerman, Shane Reid | Production : Walt Disney Studios Motion Pictures | Distribution :  Ryan Reynolds, Hugh Jackman, Emma Corrin, Morena Baccarin, Rob Delaney, Leslie Uggams, Aaron Stanford, Matthew Macfadyen

Welcome to the MCU, you are joining it at a bit of a low point.
Alors que la 20th Century Fox est rachetée par Disney en 2019, ce troisième Deadpool signe l’entrée des deux héros dans le Marvel Cinematic Universe à un moment peu favorable.

En effet, difficile de ne pas se demander si le succès sans précédent de la troisième phase du Marvel Cinematic Universe(Endgame, Spider-Man, Black Panther, etc.) n’a pas finalement eu pour effet de donner les fonds nécessaires à Marvel de foncer droit dans le mur. Sans repos, les phases quatre et cinq ont vu la sortie de films qui ont particulièrement déçu le public et le box-office avec notamment Eternals (un chef-d’œuvre à mon avis), The Marvels, Ant-Man and the Wasp : Quantumania, Thor: Love and Thunder, etc.

On attribue cet échec à une saturation du marché des films de superhéros, mais à mon avis, un autre élément a contribué au déclin : le Multiverse. 

Wizard of Oz did it first and they did it the best, the gays knew it.
Wolverine & Deadpool est jalonné de blagues cinglantes lancées contre le désastre que continue d’être le multiverse qui, film après film, s’enfonce de plus en plus dans les tréfonds du non-sens. Mais le sequel ne rompt pourtant pas avec cet élément narratif alors que le scénario repose intégralement sur le voyage temporel et inter-dimensionnel.

Pour Deadpool, la seule façon de sauver ses proches cette fois-ci est de kidnapper un des nombreux Wolverine habitant d’autres dimensions, de le ramener sur la Terre-616 et d’ainsi sauver sa propre timeline mise en péril par un mégalomane à l’accent britannique. Un illogisme qui pourtant ne dérange pas puisque le film ne cherche pas à apporter de l’ordre dans le désordre (comme d’autres films du MCU ont en vain tenté de le faire), mais semble justement prospérer sur le bordel cinématographique qu’offre l’immensité du cosmos.

I’ve waited a long time for this team up.
N’amenez pas n’importe qui avec vous, parce que ce film est fait sur mesure pour le geek qui a passé son adolescence un peu marginalisé à cause de sa fixation sur les navets de la 20th Century Fox (je m’avoue ici coupable).

L’histoire se passe en majorité dans le Void ; une dimension alternative où tous les héros et personnages secondaires oubliés se retrouvent déchus. Pléthore de références à tous les mauvais films de héros qui avaient accumulé une fanbase fidèle au cours des deux dernières décennies. Deadpool & Wolverine se sauve ainsi de la catastrophe du Multiverse en l’utilisant justement pour offrir de la nostalgie à la pelle (spoiler alert : l’arrivée de Sabretooth et Blade a failli m’achever sur mon siège).

Ce pot-pourri à base d’Elektra, de Fantastic Four et de Mad Max est absolument délicieux pour le spectateur attendant le comeback de cette collaboration depuis aussi longtemps.

He’s finally in a costume like he’s not embarrassed to be in a superhero movie anymore
L’aspect satiriquement réflexif des Deadpool n’est plus à féliciter, c’est la facette de la personnalité de Wade Wilson qui nous fait payer le billet de cinéma sortie après sortie sans regret. Et ce troisième volet ne déroge pas à la règle ; il est dur de ne pas se tordre de rire à l’apparition de The Cavilrine ou de la référence au Will Smith–Chris Rock slapping incident.

Cependant, l’arrivée de Wolverine promettait plus de profondeur au film que les blagues crues et le débit de parole sans fin associé au personnage de Ryan Reynolds. L’anti-héros connu pour ses sourcils froncés, son humeur massacrante et son incapacité à travailler en équipe promettait en effet de détonner. Soulevant la question : l’un allait-il ternir le tempérament taciturne ou la folie sanguinaire de l’autre ? Eh bien, pour faire simple, pas vraiment. Comme le nom du film le présage, on a le droit à un scénario à deux têtes : deux héros, deux lignes d’histoire, deux facettes d’une même pièce.

Outre les trois scènes de combat (George Richmond a-t-il d’ailleurs épuisé son talent avec les Kingsman?), les deux anti-héros semblent vivre les événements sur deux beat différents. Mais ce qui fonctionne bien pour l’un ne fonctionne pas vraiment pour l’autre… Déjà de nature torturée, une backstory encore plus sombre a été attribuée à l’ancien X-Men qui se doit d’offrir plus de profondeur au personnage en 2h de temps d’écran qu’il n’a été capable de le faire dans toute une saga. C’est certain que ça demande moins de travail de faire le con et de trucider des extras à tour de bras pour récupérer une danseuse recasée avec un collègue.

Hugh Jackman semble avoir compris qu’il serait difficile de retrouver son personnage tel qu’il l’a laissé, car Wolverine annonce rapidement ne pas vouloir revoir Deadpool sans pour autant tirer sa révérence avant le générique de fin. Une ambiguïté qui laisse la porte ouverte à notre quinquagénaire de faire une sortie précoce du MCU dans le cas où le film ne fonctionnerait pas, si tant est que Disney le laisse partir à nouveau…

Bref, si l’alliage des deux géants ne se fait pas sans anicroches, Deadpool & Wolverine offre tout de même un bon épilogue pour une maison de production qui en a marqué plusieurs !

Consulter le magazine