Parmi la faune effervescente de la vie culturelle à Québec, le point névralgique est sans conteste dans la Basse-Ville. Pour ceux qui auraient des doutes à ce sujet, l’ouverture du Pantoum à l’été 2012 clôt définitivement la question. Le concert de vendredi dernier mettait à l’affiche une programmation lourde et corsée, composée du tandem Black Piranha et Machinegun Suzie.
Hugo Lafleur
Situé à l’intersection Charest/St- Vallier, dans le même bâtiment que le légendaire Coin de la Patate et la mythique taverne Jos Dion, le Pantoum propose un endroit exceptionnel et une programmation enviable. Après une performance endiablée, aussi chaotique et déroutante que vivifiante, j’ai pu emprunter un divan du local de pratique du Pantoum à « Jim » pour échanger avec le groupe et leur laisser une chance d’expliquer leur délicieux et rafraichissant crime face au conservatisme du rock. Composé au départ d’un couple ( comme Tricot Machine, détail impertinent ), Jonathan Bigras et Nathalie Gélinas voient dans BP une activité de couple, comme le fait de sortir aux quilles ou de regarder la télévision pour d’autres. Le groupe est un croisement entre leurs préférences musicales, électro pour Nathalie et musique plus lourde pour Jonathan, qui se dit un « enfant du hardcore ». Celui-ci enregistre le drum, clairement influencé par son bagage musical, le met en wave, pour finir dans son iPhone amplifié qui leur sert d’accompagnement. Le duo ajoute un synthétiseur « ben grave » ( c’est toujours le même son, en passant ) et des cris en joual pour former leur violence sonore minimaliste, à prendre au premier degré. Nathalie quitte parfois son instrument, le cri primitif, pour prendre le synthé de Jonathan, qui devient alors guitariste. Elle s’occupe parfois d’ajouter une couche de bruit à l’ensemble par une ingénieuse combinaison d’un whammy avec un delay. Les paroles se veulent un exutoire naturel, qui imite le plus fidèlement possible le joual parlé. Jonathan prend Mononc’ Serge comme exemple de paroles fidèles à la réalité de la langue quotidienne. De cette manière, le groupe peut parler de n’importe quoi, en étant compris assez facilement. Pour donner un exemple représentatif du propos : « Y’a pu d’eau chaude. Pourquoi ? Pac’qu’y s’crosse dans douche depuis deux heures. » Jonathan admet sans gêne que les paroles sont naturellement vulgaires, même si en général, les paroles sont inintelligibles, plutôt utilisées pour leur rythme et leur effet percussif. Côté nouvelles, le groupe est sur le point de sortir deux albums : un album plus traditionnel et une surprise qui sortiraient en même temps ( un scoop, selon le groupe ), en mars.
En deuxième partie, nous avions droit à Machinegun Suzie, un univers matriarcal glauque dominé par la pesanteur de riffs très stoner. On aime le rythme gras et marqué du floor tom ( doublé par la chanteuse, le temps d’une pièce ), accoté par une grosse basse garage et une guitare vicieuse et déliquescente. Comme quoi « less is more », sauf quand tu t’appelles Machinegun Suzie.
Pour glisser un dernier mot sur la soirée, on peut souligner l’excellent travail du Pantoum pour un spectacle de qualité le son ( Nathalie de BP ne s’est jamais si bien entendue en concert ) par Jean-Étienne Collin-Marcoux et l’éclairage ( formidable accompagnement épileptique pour BP et rideau morbide pour Machinegun Suzie ) par Kevin Savard.
Suivez la programmation du Pantoum ( assez facile à suivre sur Facebook, Twitter et lepantoum.com ), un excellent concert s’annonce vendredi prochain, avec Organ Mood et Millimetrik. Ça te ferait de la peine dans ton petit coeur de rater ça.