Dracula envoyant des messages textes à ses victimes, des manuels d’histoire alternatif, Mme Trotte-Menu transformée en revendicatrice féministe. Tant de propositions éclatées sont présentées par Tom Gauld dans l’album En cuisine avec Kafka. Avec son humour unique, ses thèmes originaux et sa plume exceptionnelle, cet ouvrage apportera du réconfort pour les mornes journées d’automne à venir.
À la manière de sa précédente œuvre Vous êtes tous jaloux de mon jetpack, l’artiste écossais propose aux lecteurs dans cet album une succession de petites bandes dessinées et d’illustrations uniques et distinctes. Bien qu’elles n’aient aucun lien entre elles, la plupart des planches tournent autour de deux thèmes importants, soit la littérature et la science-fiction. Comme il a habitué ses lecteurs dans ses ouvrages précédents, Gauld dépeint robots et engins de l’espace dans sa dernière œuvre. Cette tendance nous permet toutefois de repérer certains visages rencontrés dans d’autres opus, notamment dans Police lunaire.
Les admirateurs de l’auteur pourront aussi retrouver ses illustrations simples, mais « punchées ». À la manière des albums précédents, les personnages de Gauld transmettent des émotions sans être énormément détaillés. Quant à eux, les décors sont bien posés alors que les couleurs sont accrocheuses.
Pour l’amour de la littérature
En cuisine avec Kafka est un véritable hommage à la littérature. À de nombreuses reprises, l’auteur s’amuse à déformer et à recréer certains classiques au goût du jour. On peut alors apprécier l’imagination de l’Écossais dans toute sa splendeur. Toutefois, cette omniprésence de la littérature dans l’album pourrait nuire à la compréhension du lecteur moins avisé ou ayant moins de connaissances à propos de cet art.
Les classiques ne sont pas les seuls éléments littéraires à être traités dans la bande dessinée. En effet, tous les aspects du livre y passent. Que ce soient les différents styles littéraires, leurs auteurs, les lecteurs ou même la physiologie du livre, rien n’est épargné. On peut aussi observer la relation particulière qu’entretient Gauld par rapport à la poésie. De nombreuses planches de l’album portent sur ce style littéraire, le taquinant souvent au passage.
La science-fiction à toutes les sauces
L’ajout de la science-fiction dans l’album est tout simplement rafraichissant, alors qu’elle crée des situations hilarantes et inattendues de page en page. Il faut d’ailleurs avouer que l’une des principales forces de l’auteur est sa capacité de jouer avec les styles et les époques. Il n’est pas rare que Gauld change l’histoire ou mélange les styles pour provoquer la surprise et ajouter sa touche personnelle à de grands classiques. Par exemple, l’artiste imagine une version de 1984 destinée aux enfants mettant en vedette un petit ourson ou encore il présente deux chevaliers tentant de réussir une quête à l’aide de leurs téléphones cellulaires.
À ce propos, l’artiste se permet parfois d’être critique envers la société actuelle. À de nombreux endroits dans l’album, il est possible de percevoir quelques petites flèches lancées à la dépendance envers la technologie, tandis que la relation cellulaire/humaine, le langage SMS et autres banalités informatiques sont tous abordés dans l’album. On peut voir aussi le point de vue de celui-ci par rapport à la numérisation du livre. La liseuse est souvent le souffre-douleur de Gauld, passant parfois de mauvais quarts d’heure dans les mains d’humain peu délicates.
Un humour typiquement britannique
Même s’il ne s’agit pas du genre de bande dessinée provoquant de fous rires interminables, En cuisine avec Kafka est un ouvrage fondamentalement drôle. L’humour pince-sans-rire et légèrement naïf de Gauld permet de survoler l’album avec un sourire aux lèvres. Que ce soit par les situations incongrues ou encore par les répliques croustillantes de certains personnages, l’auteur réussit toujours à accrocher le lecteur.
Avec En cuisine avec Kafka, Tom Gauld nous offre une bande dessinée spectaculaire et simple à la fois. Vaguant de surprise en surprise, le lecteur pourra plonger dans l’univers de l’auteur écossais, se laissant envoûter par celui-ci. Un album à lire sans modération.