Farce carnavalesque sur la scène du Grand ThéâtreCamille Sainson·14 mai 2024Arts & cultureThéâtre Deuxième et dernier opéra de la saison, La Chauve-souris de Johann Strauss II vient diffuser un air d’été sur Québec. Pas moins de 150 ans après sa création, on retrouve ses fameux airs viennois, remis au goût du jour par Bertrand Alain. Par Camille Sainson, journaliste multiplateforme Loin des rues et palais autrichiens d’une fin de XIXe siècle, le metteur en scène nous transporte en 1967 au moment de l’exposition universelle. Accessible, dynamique et populaire, cette énorme farce est parfaite pour capter l’attention d’un public non averti. À la différence d’un opéra classique, l’opérette est ponctuée de moments théâtraux, l’intrigue est plus facilement compréhensible et il l’on peut sans peine s’attacher aux personnages. Mais pour les chanteurs, l’opérette comporte aussi son lot d’enjeux ; Marie-Andrée Mathieu (prince Orlofsky) nous confie : « c’est la première fois que [j’]ai autant [de scènes parlées] donc ça constitue quand même un défi au niveau de la projection, pour avoir la bonne intonation, le bon niveau de français. Je dois laisser mon accent de tous les jours de côté ». Même chose pour Jessica Latouche (Rosaline) : « la salle Louis-Fréchette est très grande, il faut savoir placer sa voix pour que ça passe à travers la salle sans se fatiguer (…) trouver comment doser le jeu et les différentes palettes de couleurs. » Malgré ces contraintes, le trio formé par Rosaline, son mari Gabriel von Eisenstein (Dominique Côté) et son amant Alfred (Eric Laporte), est particulièrement rafraîchissant. Leurs voix claires et justes nous embarquent rapidement dans le genre de la comédie qui ravit l’auditoire, leur satire de la classe bourgeoise est bel et bien là pour nous faire rire ! Crédit photo : Emmanuel Burriel Le deuxième acte nous plonge dans l’univers du cinéma où se côtoient lors d’un bal masqué, Marilyn Monroe, Audrey Hepburn, Zoro, Superman, et bien entendu, Batman pour incarner la célèbre Chauve-souris. Cet hommage aux années 60 permet certes d’ancrer cette création d’il y a deux siècles dans un monde plus proche du nôtre, mais également d’ouvrir la porte à la critique de la société hollywoodienne. Nous nous retrouvons donc chez le prince Orlofsky en compagnie d’une trentaine d’invités pour assister à la vengeance de la Chauve-souris. Le fameux couplet « sa majesté Champagne est roi » résonne sur toutes les bouches, l’ambiance carnavalesque est à son apogée. On regrette toutefois que le décor soit si minimaliste, on aurait voulu entendre le bouchon en liège éclater vers le ciel, voir la mousse se répandre sur le sol, être finalement étourdi de paillettes et d’ivresse. Malheureusement, le palmier en plastique au centre de la scène et l’apparition furtive de quelques coupes de champagne ne suffisent pas à nous faire valser avec les personnages. Le décor comme les figurants sont un peu trop statistiques, nous sommes loin d’assister à un déchainement des plaisirs de la chair. Crédit photo : Emmanuel Burriel Si les paillettes se cantonnent au pantalon du prince Orlofsky, on apprécie toutefois la musique dansante menée par le jeune Nicolas Ellis, la distribution entièrement québécoise, et les personnages hauts en couleur qui ont su divertir le public sans relâche pendant près de 2h30. On ne peut que vous recommander d’aller découvrir l’une des représentations de la Chauve-souris pour placer votre été sous le signe de la musique. Auteur / autrice Camille Sainson Voir toutes les publications