La pièce Frankenstein, présentée au Trident dans une mise en scène de Jean Leclerc, et écrite par Nick Dear, propose une lecture différente de l’œuvre originale de Mary Shelley. Le thème de la différence, traité à travers la relation entre la Créature et les autres personnages, est mis en évidence par le pari de Christian Michaud et d’Étienne Pilon, qui d’un soir à l’autre, s’échangent les deux premiers rôles…
Camille Allard
Du début jusqu’à la fin, la pièce Frankenstein ne cesse de surprendre ses spectateurs. Dès la première scène, alors que la Créature naît, la salle est soufflée : le jeu des comédiens promet d’être époustouflant. De fait, Christian Michaud, qui tient le rôle de la créature, use de son corps comme d’un objet d’expression malléable. Souple, robuste, son jeu exploite d’abord l’animalité d’une bête naissante, puis, celle d’une bête savante, qui apprend, s’interroge et découvre une large gamme de sentiments, bons et mauvais. Une bête humaine.
Si le jeu des personnages secondaires offre également des frissons à l’auditoire, dévoilant la critique sociale de l’auteur, il le fait également rire en mettant en valeur des dialogues vifs et spontanés. Le texte est franc, chaque personnage étant convaincu de ce qu’il dit. Catherine Hughes, qui interprète la fiancée de Frankenstein, exprime les limites de la condition féminine. Pierre Colin, qui incarne De Lacey, l’aveugle éduquant patiemment la Créature, met de l’avant le creux séparant les riches des pauvres. Tous évoquent une vérité : la leur.
Victor Frankenstein, « maître » de la Créature, ne fait pas exception. Interprété par Étienne Pilon, Victor Frankenstein illustre, dans la critique que propose la pièce, l’orgueil de l’homme riche, sa prétendue supériorité sur tout. Pilon donne fougue, jeunesse et intelligence à Frankenstein, mais il lui donne également l’arrogance, l’orgueil, l’amour troublé de celui qui ne sait qu’en faire et, finalement, la haine, qu’il transmet lui-même à sa Créature. C’est par la froide lutte qui oppose ces deux personnages que la critique sociale de Nick Dear parvient le plus drastiquement aux spectateurs.
Si le jeu des acteurs est impressionnant, la mise en scène de Jean Leclerc appuie le propos et l’intensité de la pièce. En plus d’avoir dirigé ses artistes d’une main de maître, le schème des changements de décor, se basant sur des projections, des effets sonores et des jeux de couleurs, est impressionnant. Ces effets spéciaux animent d’ailleurs à quelques reprises la pièce. Les décors matériels, quant à eux, donnent dimension et réalisme à la scène et permettent aux comédiens d’exploiter complètement les capacités de leur personnage, d’en tirer ce qu’il a de mieux et de pire…
Frankenstein, une pièce originale à voir absolument!