Gladiator II, un péplum tout en VFX

Le Clap à Saint-Foy affiche salle comble pour la sortie de Gladiator II (Scott, 2024) ce jeudi 21 novembre à 19h. S’y rendant à trois avec un peu de retard et des billets prépayés, il a été impossible de trouver des places à côté. Avec raison ! Là où Paramount préfère retarder la sortie en Amérique du Nord pour profiter de l’Action de grâce, le film cartonne déjà depuis une semaine dans plus de 60 pays outre-Atlantique où il collecte tranquillement 87 millions de dollars au box-office international. Il devient le film au meilleur lancement à l’étranger pour Ridley Scott, qui avait pris au total 630 millions de dollars pour Seul sur Mars (Scott, 2015), 403 millions pour Prometheus (Scott, 2012), et 465 millions pour Gladiator (Scott, 2000).

Par Léon Bodier, journaliste multimédia

Scénario : David Scarpa | Réalisation : Ridley Scott | Photographie : John Mathieson | Musique : Harry Gregson-Williams | Montage : Sam Restivo, Claire Simpson | Production : Paramount Pictures, Scott Free Productions, Red Wagon Films | Distribution : Paul Mescal, Pedro Pascal, Connie Nielsen, Denzel Washington, Joseph Quinn

« We are not where death is. Where death is, we are not. »

Depuis quelques années, Ridley Scott a pour coutume de caster des acteurs particulièrement appréciés du grand public au moment de la sortie de ses films : Michael Fassbender dans Prometheus, Matt Damon dans Seul sur Mars, Ryan Gosling dans Blade Runner 2049 (Scott, 2017), et finalement Joaquin Phoenix dans Napoléon (Scott, 2023). Mais c’est ce péplum tant attendu qui bat tous les records en additionnant les chouchous du public : Paul Mescal devenu populaire depuis sa série télévisée Normal People (2020, Hulu) avec Daisy Edgar-Jones, ou encore Joseph Quinn qui a percé le petit écran en devenant le personnage préféré des fans de Stranger Things (Netflix, 2016-TBC) en 2022, mais surtout Pedro Pascal qui est littéralement quatrième sur la liste IMdB des « Actors that nobody hates ».

Alors, malgré un choix douteux en ce qui a trait à la véracité ethnique des peuples antiques mis en scène dans le film, le réalisateur fan de SF et de Period Dramas misait gros sur ses têtes d’affiche pour combler les salles. Ce qui a bien évidemment marché, mais peut-être au détriment des acteurs eux-mêmes ? En effet, le charisme naturel de Paul Mescal et Pedro Pascal tente tant bien que mal de sauver des performances ternies par le manque de caractérisation de leurs personnages. Des rôles qui ne marqueront pas leur carrière, particulièrement parce qu’ils sont totalement éclipsés par la performance phénoménale de Denzel Washington que je ne pouvais lâcher du regard pendant les 2h30 de film.

 « The gates of hell are open night and day; Smooth the descent, and easy is the way. »

Prenant place une vingtaine d’années à la suite du premier film, on y retrouve quelques personnages importants, notamment Lucilla, fille de l’empereur Marcus Aurelius, et son propre fils Lucius Verus. En combinant plusieurs personnages principaux, la structure du scénario fait qu’il devient compliqué de savoir à qui s’attacher. En effet, la force du premier film résidait incontestablement dans la manière dont celui-ci était parvenu à nous faire profondément ressentir le désespoir et la colère de Maximus, spectateur devenu héros vengeur à ses côtés.

Alors que Lucilla pleure la perte de son fils et de Rome, la narration s’attarde souvent de son côté de l’histoire. Un effet qui fait drastiquement perdre le sens du personnage militaire de Pedro Pascal, mais surtout celui principal de Lucius incarné par Paul Mescal. Très dur de comprendre, et encore plus de ressentir, la rage qui anime cet homme ayant par deux fois perdus patrie et famille alors qu’il additionne difficilement deux lignes de dialogues. Avoir coupé toutes les scènes d’émotions dignent de ce nom n’aide pas non plus ; la première dans la mer avec sa femme est marquante, mais où est son instant de deuil avec sa mère tragiquement exécutée ? Dans le fond, on en vient à se demander s’il n’aurait pas été plus judicieux que Connie Nielsen (aka Lucilla) ne soit pas la tête d’affiche de ce deuxième opus, mais difficile d’imaginer autant de gain au box-office avec ce choix…

« What does my past matter, when my future is only to die as a gladiator? »

J’ai mentionné la scène dans la mer au début du film, ainsi il est dur de ne pas chanter les louanges de l’impeccable cinématographie avec laquelle le film a été achevé (si on oublie ces quelques scènes en noir en blanc…) Ridley Scott a un talent particulier pour allier slow motion en détail avec une utilisation des effets spéciaux qui ne prend pas le dessus sur l’histoire. Ainsi, on retrouve une Rome à l’écran qui paraît très humaine, malgré les habits et maquillages du peuple qui s’est visiblement fait à la sauce Hunger Games (Ross, 2012).

Un autre vrai coup de maître ces premières scènes de batailles, dont la vedette n’est volée que par le combat naval absolument époustouflant à même l’arène du Coliseum (et oui, ce sont des festivités que ces fous de Romains organisaient réellement avec leur système de plomberie précurseur à leur temps). La musique signée Harry Gregson-Williams, connue pour avoir déjà travaillé avec Ridley Scott sur House of Gucci (Scott, 2021) et Seul sur mars (personnellement, je préfère son travail dans X-Men, Prince of Persia et Sinbad) se place en apothéose de ses scènes épiques. Frisson garanti quand Lucius rallie les armées de Rome sous la statue en bronze de Romulus et Rémus à l’entrée de la ville et que la bande sonore nous emmène jusqu’au plan final, le premier du film avec Russel Crowe.

Finalement, la masculinité over-the-top des Gladiateurs a peut-être du mal à s’installer dans le discours touchant du film, mais les scènes de sacrifice maternel remplacent adroitement les manques laissés. Personnellement, ce sont la performance de Denzel Washington et le léger homo-érotisme entre Alexander Karim et Paul Mescal qui me feront regarder le film une deuxième fois.

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