Le conflit israélo-palestinien fait la manchette depuis des années, et pourtant il reste beaucoup de choses sur cette guerre, d’un point de vue artistique. Grâce à de nombreux voyages qu’il a pu faire là-bas, l’auteur et metteur en scène Philippe Ducros s’est senti interpellé par cette problématique, et notamment les photos de martyrs, souvent des enfants, affichées dans les rues.
Cyril Schreiber
L’affiche tourne autour du pouvoir de l’image : Abu Salem, intense Denis Gravereaux, est imprimeur. Il a perdu un fils, Salem, dont il imprime le portrait en centaines d’exemplaires, ce qui n’aide en rien à étouffer sa peine. Parallèlement, on suit l’histoire de la sœur de Salem et de son amoureux Ismaïl, ainsi que celle du soldat qui a tué Salem, Itzhak, qui devient de plus en plus lucide sur les effets ravageurs que peut entraîner une telle occupation.
Ducros, en mélangeant plusieurs intrigues, n’aide pas sa cause : déjà que le sujet dont il traite est à la base infiniment complexe, le résultat l’est tout autant, même si le spectateur s’habitue à la longue, et ce malgré quelques comédiens qui jouent deux rôles différents des deux camps opposés. Sa réflexion est intéressante, il a un don pour cerner à merveille la complexité des relations humaines, mais sur le plan politique, aucune proposition n’est apportée, et le conflit n’est en rien clarifié. Par ailleurs, la figure du mur n’est exploitée que tardivement, alors que le symbole aurait mérité un traitement plus grand. Petite déception de ce point de vue, même si on l’utilise pour projeter des vidéos.
Cependant, L’affiche, malgré quelques tableaux plus décevants et une fragmentation du récit amenant des longueurs, est visuellement impressionnant et impeccable. On se souviendra longtemps de l’intensité des scènes de checkpoint, avec seulement une sirène et une lumière rouge. Il faut dire que la scénographie est sommaire, épurée, mais diablement efficace : une table et des chaises, une photocopieuse et sa lumière (effet réussi, malgré les problèmes techniques), une chaise de barbier, des pneus (l’un des symboles les plus importants et réussis du spectacle), des mégaphones comme MK-16 et des pommes comme pierres. Cela donne des tableaux très réussis, même si les neuf comédiens sont tout le temps présents sur (les côtés de la) scène, ce qui ne dérange pas outre-mesure.
Le rythme, cependant, n’est pas assez maintenu pour que la pièce reste intéressante durant toute sa durée. Quelques faiblesses ici et là empêchent L’affiche d’être le chef-d’œuvre annoncé. Par ailleurs, il faut avoir un certain intérêt pour le sujet, car Ducros ne réussit pas forcément à universaliser le propos. À défaut de proposer un contenu qui soit impeccable, il aura au moins réussi à créer une pièce formelle à la beauté époustouflante, qu’on pourra (re)voir la saison prochaine au Théâtre Périscope.