Julien Roy, un ancien étudiant en communication à l’Université Laval, s’apprête à vivre une expérience à faire mourir de jalousie tous les écrivains de ce monde. Il passera l’automne cloîtré entre les murs de différents chalets pour écrire un tout premier roman, inspiré de son blogue In the 10’s. Son projet, propulsé par La Ruche et financé par ses fidèles lecteurs, devrait voir le jour en 2014.
In the quoi ?
À vue de nez, In the 10’s est un blogue comme les autres, un blogue comme il y en a des milliers. Un fond blanc, d’innombrables photos de la gent féminine : bouches en cœur, détentes post-orgasmiques, cigarettes d’occasion, sourires coquins derrière un vieux polaroïd, cheveux entremêlés, plumes, sous-vêtements, sous-vêtements et sous-vêtements, le tout parsemé d’attendrissantes photos de pandas.
A priori, donc, c’est un blogue comme les autres. Mais qu’est-ce qui justifie les nombreux likes Facebook ( qui approchent souvent le millier ) que chacun des articles engendre ? Le français impeccable, le ton décalé, les propos souvent crus et le visuel accrocheur.
Un an, pile-poil
« J’ai fondé mon blogue en octobre 2012, je ne m’attendais absolument à rien. J’avais quelques amis dont les blogues avaient eu du succès, donc j’avais vu un peu le modèle. J’avais surtout des trucs à écrire, des choses à raconter, ça faisait un bout que tout ça m’intéressait », explique Julien, exceptionnellement sorti de sa tanière le temps d’une entrevue.
Contre toute attente, il y a eu un immense buzz autour de son blogue. Succès que l’on doit, encore une fois, aux réseaux sociaux qui sont de véritables perles pour lancer un projet comme celui-ci. « Des gens que je ne connaissais pas se sont mis à m’approcher, à relayer mes articles. Quand ça excède ton entourage, c’est là que tu vois la mesure de ton succès. »
L’élément déclencheur, néanmoins, fut le spécial St-Valentin que le journaliste Patrick Lagacé publiait sur son blogue (La Presse), et qui référait à l’article T’es pas obligée, ma belle paru sur In the 10’s. Le 14 février au matin, Julien s’adressait aux lectrices, qu’il s’était amusé à catégoriser ainsi : la célibataire, la fréquenteuse, la baveuse et la contestataire.
L’amour ne se compte pas en like, prétendait Julien. Comment appelle-t-on les 10,5 K de views et les 1K de « likes » répertoriés au bas de l’article, alors ?
Les fans : 1, Julien : 0
L’épopée d’un blogue… c’est un livre ?
C’est du moins ce que les lecteurs semblent penser. Julien réfléchissait plus sérieusement à écrire un livre depuis un moment déjà. Ses fans l’ayant challengé à grands coups de « t’es pas game », il a finalement décidé de s’inscrire sur La Ruche en juin dernier. « Certains de mes amis avaient
mis leur projet sur La Ruche, mais ça avait plus ou moins levé. Ça venait juste de commencer, les gens n’étaient pas habitués à ce type de financement-là. J’ai parlé avec Jean-Sébastien Noël, un
des fondateurs de La Ruche, puis il a pris mon projet vraiment au sérieux. On s’est rappelés, puis il
m’a convaincu. »
Loger et nourrir un jeune auteur
Pour partir écrire tout l’automne, Julien souhaitait récolter 3500 $. « Je suis vraiment sauvage en fait, avec 3500 $ j’aurais pu vivre au moins dix ans. » Au moment d’accorder cette entrevue à Impact Campus, il restait trois jours avant la fin de la période de financement et Julien avait déjà empoché 4800 $. Cet argent servira évidemment à payer les quelques chalets, condos et demeures inspirantes dans lesquels il a cordialement été invité à créer.
À l’heure actuelle, Julien est installé à Stoneham chez un bon samaritain qui a accepté de lui prêter son nid pour quelques semaines. La scène est tout ce qu’il y a de plus cliché, mais n’en demeure pas moins le fantasme de tous les écrivains. Dans le salon, un foyer qui crépite. Sur la table de la cuisine, une pipe bien remplie et des piles de romans qui s’effondrent. Accrochés aux murs, des cartons blancs gribouillés de premières scènes et d’ébauches
de personnages.
Hélas, même si vous ressentez soudainement un élan de sympathie envers lui, vous ne pouvez plus encourager Julien sur la plateforme de financement. Par contre, vous pouvez commencer par ajouter In the 10’s à vos favoris et lui faire une toute petite place dans votre bibliothèque.
