Pièce d’Évelyne de la Chenelière mise en scène par Émilie Rioux et jouée par Les Treize, L’Imposture est un feu d’artifice engagé et « de Poche » qui grafigne les grandes idées de la société par l’entremise du spectateur.
Noémie Doyon
C’est l’histoire d’Ève, un personnage aux mille couleurs, aux cent problèmes et aux questionnements à l’exposant, qui plane et plonge à intervalles dans une imposture qui est sienne, mais partagée. L’action saute frénétiquement d’une entrevue avec les médias au souper où tout a commencé, et ainsi débouche sur le dénouement d’une première intrigue explicite, puis d’une autre, dissimulée sous les postures.
Faute d’avoir pu assister à la représentation de vendredi (complet), on a pu assister à celle de samedi. Le lendemain matin, des interrogations sur les problèmes de société soulevés dans la pièce nous habitent encore. Ève, le personnage principal (Marie-Pier McLeod), est femme, mère et artiste, et supporte une forte image de ces réalités sous-exposées et de leurs tenus pour compte. En fait, la pièce se met à jour comme une narration critique de grandes questions sociales. Elle le fait doucement et subtilement, provoquant la réflexion sans l’indignation. L’Imposture offre un raisonnement, entre autres, sur l’ambiguïté de l’écrivain québécois, la répression des minorités marginales et le subterfuge du paraître médiatique.
Les comédiens de la troupe Les Treize ne se sont pas gardés d’extravagance dans l’interprétation des rôles. Des personnages poussés au bout de leurs particularités comme celui d’Ève, de Léo (Étienne Larochelle), de Justine (Arianne Lessard) ou de Fred (Romain Martiny) rendent la pièce plus spontanée, moins intellectuelle. Grâce à eux, L’Imposture devient œuvre de divertissement sans toutefois perdre en profondeur et en intensité. Leur acting allège l’atmosphère par des passages humoristiques superbement accomplis, et l’alourdit de malaises bien ressentis.
La mise en scène par Émilie Rioux n’aurait pu être plus prolifique dans le but visé (et atteint). Malgré un scénario tendant âprement vers la confusion, Émilie a su nous présenter L’Imposture en nous gardant d’une totale incompréhension sans toutefois nous prendre par la main. Elle a bel et bien réussi à nous grafigner le cerveau de réflexions qui persistent encore jusqu’à présent, mais elle est aussi habilement parvenue à garder chez nous un intérêt constant pour la pièce en soi. Le jeu de la narration préenregistrée, la projection des titres des chapitres ou la construction du décor piquait à vif quelconque esprit un tant soit peu éveillé. Sans parler de la musique et de l’éclairage qui concordaient à merveille avec les rebondissements de la pièce.
Si l’on oublie l’inconfort des sièges pour le derrière, L’Imposture fut une expérience théâtrale des plus agréables. Et si vous, Les Treize et Émilie Rioux, n’avez pas eu de « standing ovation » ce samedi-là, en voici un, juste ici.
(standing ovation)