Longlegs, quatrième long-métrage de l’acteur, scénariste et réalisateur d’Oz Perkins, était annoncé comme le film le plus effrayant de la décennie. Si le thriller d’horreur mettant en vedette Maika Monroe et Nicolas Cage ne gagne pas le pari qu’il s’était lui-même donné, il n’en demeure pas moins, malgré quelques faiblesses narratives, perturbant et efficace.
Scénario : Oz Perkins | Réalisation : Oz Perkins | Photographie : Andrés Arochi Tinajero | Musique : Zilgi | Montage : Graham Fortin, Greg NG | Production : Saturn Films | Distribution : Maika Monroe, Blair Underwood, Nicolas Cage, Alicia Witt, Kienan Shipka, Dakota Daulby
Par Emmy Lapointe, rédactrice en chef
I know you’re not afraid of a little dark. Because you are the dark
Harker (Maika Monroe) enquête sur une série de meurtres familiaux brutaux orchestrés par un tueur en série sataniste, Longlegs (Nicolas Cage). À mesure qu’elle progresse dans son enquête, Harker comprend le rapport étroit qu’elle entretient avec l’affaire.
Dévoiler
Si la trame narrative principale de Longlegs se présente comme une enquête policière, les flashbacks et les visions d’Harker dévoilent les couches horrifiques et occultes qui sous-tendent l’ensemble du récit. Néanmoins, la fin est prévisible (il suffit d’être attentif.ve dans les 20 premières minutes du film pour la deviner), mais il m’a semblé que le chemin pour y arriver ne l’était pas. En fait, le film est un peu labyrinthique; on sait où est le point d’entrée, le point de sortie, mais pour s’y rendre, on n’a pas d’autres choix que d’emprunter à tâtons des chemins (parfois inutiles), et quand on arrive enfin à sortir, on ne saurait pas vraiment dire comment on est arrivé.es ici. Après, peut-être que cette construction de l’histoire était plus maladroite que délibérée, mais personnellement, j’ai bien aimé la ride.
Are you still saying your prayers? Our prayers protect us from the devil
Comme des dizaines de films avant lui, Longlegs utilise des indices codés pour lesquels l’enquêtrice ne prendra pas plus de quatre minutes à comprendre. Elle reconnaît les symboles, ouvre un livre se trouvant déjà sur son bureau et traduit les lettres du tueur en un tour de main, si bien qu’on se demande si cette couche « énigmatique » était vraiment nécessaire. En même temps, c’est peut-être précisément parce qu’il y a eu tant de Da Vinci Code et de Zodiac que le processus de décryptage n’a plus rien d’intéressant, et que ce qui l’est, c’est le après. Dans Longlegs, les codes, les énigmes ne servent pas à camoufler le tueur. Évidemment, ils servent à insérer le satanisme dans l’histoire, mais servent aussi et surtout à cacher le lien qu’entretient l’enquêtrice avec l’affaire et c’est pour ça que c’est elle qui détient la clé.
[Paragraphe micro-divulgâcheur] Et ces messages sur les murs, dans les lettres, une fois décryptés, dévoilent finalement les traumatismes familiaux, les sacrifices familiaux qui, pour reprendre les mots d’Elemental, ne se remboursent jamais autrement que par d’autres sacrifices. En fait, dans son ensemble, le film d’Oz Perkins a été scénarisé et réalisé sous le signe de la violence familiale qui à mon sens, trouve une drôle de (ou une questionnable) cause. Les pères du récit commettent féminicides et infanticides, mais la cause les dépasse; elle est satanique et donc, la « faute » ne leur est pas attribuable. Et à moins que ces poupées possédées soient une représentation métaphorique du patriarcat, je trouve ce genre de discours dangereux, parce qu’ils perpétuent cette image du « c’était plus fort que lui ». Pire encore, Satan est introduit dans les maisons par les mains d’une femme. Après, il faut quand même dire que les hommes du récit s’avèrent être dangereusement inutiles et assez idiots alors qu’ils se prennent des balles dans la tête en jouant les héros et ont la maturité émotionnelle d’un crabe.
Performances et hurlements
Souvent irritée par Nicolas Cage, je l’ai trouvé impeccablement décalé et effrayant. De son côté, Maika Monroe parvient à équilibrer vulnérabilité et détermination, ce qui rend crédible la transformation de son personnage à mesure qu’il fait des découvertes sur son propre passé.
L’atmosphère générale du film se résume ainsi : unhinged (désarticulée selon Google). La succession des deux scènes d’ouverture – l’une flashback en format – donne le ton et force le public à se crisper. Les chants, les mouvements des bras, l’iconographie religieuse, tout est inquiétant. C’est aussi drôle par moment, mais là encore, on rit, parce qu’on est tendu.es et que ça nous permet d’évacuer (en tout cas moi).
Bref, Longlegs est un thriller imparfait, mais somme toute fascinant qui, avec chacun de ses détours narratifs, nous entraîne un peu plus loin dans l’inquiétante étrangeté.