Pour cette dernière pièce de l’année 2013, la troupe de théâtre Les Treize de l’Université Laval avait fait le pari de la création collective, un exercice toujours risqué qui bien souvent s’apparente, tant pour les acteurs que les spectateurs, à une chute sans filet. Mais plonger dans l’inconnu peut s’avérer fort agréable : Overtime en constitue un exemple éclatant.
Le pari était osé : non contents de proposer au public une œuvre issue de leur seule imagination, les membres de l’équipe de création d’Overtime ont emprunté la voie peu fréquentée de la « pièce chorale ». Ils ont ainsi choisi de présenter aux spectateurs réunis au Théâtre de Poche trois histoires parallèles, unies par leur thématique. Acte de foi et de bravoure qui aurait pu mener à une certaine cacophonie, n’eût été du talent des acteurs — techniciens de scène à l’occasion — et de l’efficacité d’une mise en scène parfois un peu brusque et inélégante, mais inventive. Certes, le passage d’un récit à l’autre, avec ses changements de décors et de personnages, pouvait à l’occasion se révéler rapide et hâtif, un brin dérangeant même. Mais une fois les trois scénarios posés et les éléments dramatiques mis en place, la pièce a su trouver son rythme, et décoller de belle façon. Le travail musical de Mathieu Deschênes, l’homme-orchestre de la production, a aussi grandement contribué à la souplesse des transitions et, plus généralement, à donner à la production son atmosphère tantôt émouvante, tantôt éclatée.
C’est néanmoins par son sujet qu’Overtime trouve une grande partie de son unité et de sa force. Ce que les Treize nous racontent dans cette pièce, ce sont des passages. Passages difficiles, parfois, éprouvants, menant au fond d’une cage de regrets, de souvenirs, de rêves brisés, mais aussi — et quelquefois à l’intérieur d’une même histoire — passages de l’ombre à la lumière, passages aériens et libérateurs. Au cœur de la pièce, au premier plan de chacun des récits, trois personnages qui, par la fuite ou l’affrontement, tentent de se maintenir à flot dans une vie qui menace de les engloutir. On suit ainsi M. Lemieux (émouvant Bernard Duchesne), attachant vieillard terrassé par la mort de sa femme et qui sombre dans l’oubli; Rémi (dynamique Éric Robitaille), sportif excessif et fier dont le corps se rebiffe; et Karine (Julie-Anne Tremblay, convaincante), agente de voyage un brin névrosée qui décide de mener la vie dure à ses tracas. Autour de ces trois piliers, on retrouve toute une galerie de personnages secondaires (plus d’une douzaine), interprétés avec justesse par Alexandre Bellemare (hilarant en vendeur verbomoteur et extraverti), Heidi Bersot, Alexandre Marchand (drôle en vrai « gars de hockey », touchant en fils aimant) et Camille Proust. Forte de cette distribution aguerrie, Overtime se révèle être, malgré certaines ruptures de ton, une œuvre divertissante et un très bon moment de théâtre.