« On ne travaille pas assez », disait dans un passé pas si lointain un ancien premier ministre de la province de Québec. Pour le mieux, lui répondrait probablement l’auteur-compositeur-interprète de Québec, Jérôme 50, qui lancera le 12 octobre prochain La hiérarchill, son premier album, sur étiquette Grosse Boîte. Impact Campus s’est tout récemment entretenu avec le musicien, dans un tête-à-tête on ne peut plus décontracté.
Pourquoi avoir choisi le titre La hiérarchill pour ce premier album ? Est-ce que ça représente bien selon toi la vibe générale de l’album ou les thématiques abordées par ses chansons?
La hiérarchill, c’est en quelque sorte un portrait général de notre génération. Les jeunes, notre activité préférée depuis une dizaine d’années, même plus, c’est de chiller. On fait rien que ça chiller. Regarde dans l’évolution de l’enfance à l’adolescence à la période adulte, avant quand on appelait nos amis, on disait « veux-tu jouer avec moi ? ». Après ça, rendu à un certain stade, on ne pouvait plus demander ça, ça ne passait plus socialement. Il fallait maintenant dire « veux-tu faire de quoi ? ». Cette formule-là est en train de tomber, parce que ce qu’on veut faire, ce n’est plus jouer, ce n’est plus faire de quoi, c’est chiller.
Chiller, ça veut dire quoi en gros ? Rien faire. La hiérarchill c’est un genre d’hommage à tous les jeunes qui décident de ne rien faire, notamment ceux qui refusent cette idéologie néo-libérale du système d’éducation qui nous amène à vouloir un diplôme à tout prix pour ensuite avoir une job 35 heures par semaine steady. Sans le faire avec de la réelle motivation. Hiérarchill, c’est juste un mot pour désigner… les révolutionnaires de demain. Les chilleurs d’aujourd’hui, c’est les révolutionnaires de demain !
Dans la chanson titre, tu abordes des thématiques plus sociales et politiques, tu tentes de définir notre génération. Est-ce que Jérôme 50, l’artiste et le citoyen, est fier du « renversement de modèle social » de lundi dernier [le 1er octobre] ?
Non ! C’est-à-dire que moi, j’aime les Québécois. Tous. Si t’es Québécois, je t’aime. Et si le Québec a décidé de voter pour la CAQ, je ne peux que… Le Québec écoute du Kaïn, il va manger du Normandin… et il vote pour la CAQ. Je ne peux pas en vouloir à personne, si c’est ça qu’on veut. Le modèle social n’a pas changé, il ne changera pas avec la CAQ. Avec Québec solidaire, il changerait, mais pas avec la CAQ. Donc, concernant ce qui s’est passé lundi, je suis heureux si les Québécois sont heureux.
C’est par amour pour son monde que Jérôme 50 affirme ça, donc, et non pour se plier à la majorité ?
Exactement !
C’est ton premier album complet. Souvent les premiers albums d’artistes contiennent une accumulation de chansons datant des origines de leur vie musicale et créative jusqu’à aujourd’hui. Ça s’est passé comment pour toi ce processus de création ? Sur une courte période ou as-tu des pièces qui datent de ton adolescence ?
Il y a une pièce que je traîne depuis longtemps et qui s’appelle Je t’aime tellement, que j’ai sortie en 2013 et qu’on a réenregistré de manière totalement différente avec un piano et un quatuor à cordes. On l’a dépoussiérée, puis on l’a revampée. Sinon, moi je prends beaucoup de temps pour écrire mes tounes. Des chansons comme Prendre une douche, ou comme Sexe, drogue, ceri$e$ et rock n’ roll. Elles ont pu me prendre de six mois à un an à écrire. Le deuxième couplet de Prendre une douche, ça m’a pris un an avant que je le trouve.
J’ai mis beaucoup de temps dans l’écriture, alors que la production en studio s’est faite rapidement. On a laissé place à la magie en studio, alors que l’écriture s’est faite sur le long terme, à partir de 2013 ou 2014.
Prochaine question, un peu cheapo–Échos Vedettes, que tu as dû entendre plusieurs fois depuis le début de ta tournée de promotion…
J’ai laissé Marie-Mai, on ne sort plus ensemble.
Non, plutôt par rapport à ton style musical. Tu rejettes les styles et les étiquettes, préférant te désigner comme un gars qui écrit de tounes, mais est-ce que certains artistes ou certains thèmes inspirent particulièrement ton écriture ?
Le fil conducteur entre mes chansons – entre Wéke n’ béke et Je t’aime tellement, il y a une grosse différence -, se trouve particulièrement dans mes paroles. J’essaie de mettre des couleurs particulières dans mes textes. Il y a une suite logique dans l’album à ce niveau-là.
Je suis influencé par les grands de la chanson francophone comme Richard Desjardins, Georges Brassens, Fred Fortin, Avec pas d’casque. C’est des artistes dont j’admire les textes. J’écoute aussi beaucoup de musique pop : en m’en venant, j’écoutais du Katy Perry et du Kesha. C’est un mélange. J’ai un amour pour la poésie en quelque sorte recherchée, mais aussi pour la musique pop, même si ce n’est pas du top 40 ce que je fais.
Tu as étudié ici à l’Université Laval en linguistique. Est-ce que tes études informent ton écriture ?
Oui, énormément. J’ai fait un cours de syntaxe, et une fois que tu comprends la majeure partie des règles de syntaxe, comment les phrases sont construites, tu peux commencer à déroger de ces règles-là.
Dans le deuxième couplet de Ouh la la, je dis « À quatre pattes dans la broussaille, plus le facteur humidex, ça fait que je suis rentré à la maison le visage plein de Nutella ». Dans la structure logique, ça ne se fait pas, mais avec mon cours de syntaxe, je me sens outillé pour créer ce genre de phrase.
Donc, avant de commencer ce bac, tu étais un auteur plus instinctif ?
Non, j’ai toujours vu les textes de chansons comme un casse-tête dont tu crées les pièces à mesure, mais il faut quand même que ça crée un dessin à la fin.
Plusieurs de tes amis musiciens de Québec (Hubert Lenoir, Simon Kearney) participent à ton album. Qu’est-ce que tu penses de la scène musicale actuelle de Québec ? Penses-tu demeurer ici pour créer ?
J’aime trop Québec, j’aime trop la ville pour partir. Je pense qu’à Québec, on est en train de partir quelque chose de nouveau qu’il n’y avait pas dans les années passées, et je suis content de faire partie de cette gang-là. Hubert. Anatole. Kearney, Beat Sexü. Des artistes de talent. On est en train de partir une belle machine à Québec et je suis vraiment fier d’en faire partie.
Ton lancement aura lieu à la Maison de la littérature le jeudi 11 octobre. À quoi peut-on s’attendre de ce lancement ?
Il va y avoir mon professeur de philosophie au Cégep de Sainte-Foy, Monsieur Nicolas Matte, qui va introduire chacune des chansons avec des textes et des citations d’auteurs qui m’ont influencé par-ci, par-là. Il y a donc un volet littéraire, puis moi qui va faire des chansons, avec Julien Chiasson [de Forest Boys, The Seasons], entre autres, qui va venir en faire une au piano