Ils travaillent sur le personnage dans L’hiver de force de Réjean Ducharme ou sur des correspondances franco-américaines. Ils sont aux cycles supérieurs et font de la recherche… en littérature. Portrait d’un domaine encore victime d’idées reçues.
« Comme notre objet d’étude est culturel et humain, on pense que c’est un domaine de pelletage de nuages », lance Virginie Savard, étudiante à la maîtrise en études littéraires. « Certains pensent qu’on est des téteux de subventions qui n’auront pas de job et qui vivent aux crochets du gouvernemaman », poursuit la jeune femme.
Une vision « complètement fausse », tranche Anne-Sophie Boudreau, qui s’intéresse au personnage dans trois romans dont L’hiver de force de Réjean Ducharme.
Les études en littérature ne sont certes pas aussi physiques que d’autres disciplines où les étudiants se mettent les deux mains dedans. Néanmoins, leurs recherches n’en sont pas moins réelles, contrairement à ce que certaines personnes peuvent penser, poursuit Anne-Sophie. « Pour ceux qui ne sont pas dans le domaine, s’assoir et regarder par la fenêtre devant un ordinateur, ce n’est pas travailler. Pour nous, ça gigote, ça bouge, ça bouillonne. »
D’autant que les projets d’études nécessitent des « méthodes rigoureuses et une technique », note Virginie qui s’intéresse à la construction de l’univers fictionnel dans Dondog d’Antoine Volodine. « Ce qu’on fait ne mène pas à rien. Je ne crois pas que ce soit inutile ce qu’on fait, sinon on ne le ferait pas. »
Décloisonner la littérature
Mercredi dernier, les deux jeunes femmes ont présenté le fruit de leurs recherches aux Rendez-vous de la recherche émergente, un colloque étudiant organisé par le Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ). L’évènement se tient chaque année dans l’une des trois universités où est établi le centre de recherche. Après l’UL l’an passé, l’UQAM recevait cette année les jeunes chercheurs.
Ce n’est pas parce que la recherche en littérature s’enracine dans le milieu universitaire qu’elle s’y restreint. Bien au contraire : à un moment où s’opère « une fusion les sujets plus académiques et la culture populaire », selon Anne-Sophie, les projets des étudiants peuvent de plus en plus résonner dans l’espace public.
« On travaille à défaire cette limite entre les sphères universitaires et la culture populaire. Ce ne sont pas des sphères qui se contredisent, mais qui peuvent entrer en communication », ajoute-t-elle.
C’est le cas de la revue Boulettes, qui, après deux ans d’existence, est déjà remarquée par le monde de l’édition. Le projet étudiant, auquel participe Anne-Sophie, aborde la littérature de façon ludique et scientifique. « On parle de sujets niaiseux avec une approche scientifique ou de sujets scientifiques avec une approche un peu niaiseuse. »
Par exemple, cet article où, sans avoir lu Proust, on peut faire apprendre à faire semblant d’avoir lu son œuvre en quatre leçons faciles. Où cet autre, qui aborde « la nostalgie de la génération Y et de la difficulté d’être au monde présentement » à coup de références aux Pokémons, mentionne la jeune femme.