Agissant comme un phare pour sa discipline dans la capitale, la Rencontre internationale d’art performance de Québec (RiAP) présentera sa 20e édition du 15 septembre au 16 décembre prochain. Déclinée en quatre différents volets associés à des zones géographiques distinctes, la programmation 2018 se veut une occasion de faire le bilan des forces créatrices mondiales en art performatif, 60 pays y étant attendus pour présenter conférences, expositions, et bien sûr, performances.
Discipline méconnue du grand public et dont le grand champ de possibilités laisse à certains une impression de manque de sérieux, la performance est au centre de la pratique du directeur artistique du RiAP, Richard Martel, qui a l’habitude d’en définir les contours au profit des néophytes. Le curieux y verra présentée de la « matière spectaculaire », sans toutefois qu’il s’agisse d’un spectacle. « C’est mettre de l’avant un dispositif symbolique et technique de manière à jouer dans le temps et l’espace à partir de n’importe quoi, explique-t-il. Finalement, chaque performeur a son style, c’est comme pour un peintre. Il y en a qui sont plus expressionnistes, il y en a d’autres qui sont plus minimalistes, d’autres plus conceptuels, d’autres plus violents. »
«À la limite, je donne souvent la comparaison avec le sport, le hockey, poursuit M. Martel, dans le sens où certaines personnes sont plus élégantes, d’autres plus brutales, dans n’importe quelle discipline artistique c’est la même chose, mais en ce qui concerne la performance, ça se fait dans l’ordre du vécu.»
N’importe quoi peut en être le sujet ou l’accessoire, mais que répond le directeur Martel au gens qui résume la performance, ou le terme plus englobant art action, à du n’importe quoi ? «C’est seulement une question d’intensité et une question d’expérience. C’est comme pour le théâtre ou la danse, ce sont des modes d’expressivité qui peuvent être reçus de manière personnelle.»
Un portrait mondial pour la 20e édition
La nouvelle édition du RiAP, biennale habituellement limitée à quelques jours d’activités, est prolongée jusqu’à s’étendre sur quatre différents mois. Chacun de ces derniers verra la présentation de conférences et d’expositions de la part d’intervenants représentant quatre zones géographiques : le Canada et l’art autochtone, les Amériques et l’Afrique, l’Europe, et finalement l’Asie et l’Océanie. Les intervenants et artistes veilleront à faire le bilan de la pratique de la performance dans leur pays d’origine au cours des 20 dernières années. L’exercice débouchera sur la parution d’un livre, la prolongation des travaux résultant de l’important colloque de 1998, qui avait déjà établi l’expérience performative des 40 années précédentes.
«Il y a plus de performance qu’avant, affirme M. Martel. De la vingtaine de pays représentés en 1998, nous en avons cette année 60, à part le Canada pour lequel il y a six personnes, parce que le pays est très long. Il n’y a personne, de mon point de vue, qui connait autant ce qui se fait à Vancouver qu’à Halifax. Le but est de faire le bilan, pas mondial, mais à peu près, de la discipline art action.»
Le public est invité à consulter la vaste programmation du RiAP 2018 sur le site internet de l’événement, alors que ses nombreux événements sont présentés à divers endroits du centre-ville de Québec comme Le Lieu, centre en art actuel, La Chambre Blanche, Le Roulement à billes ou L’Oeil de Poisson.
Une tribune essentielle
Le RiAP a depuis déjà plusieurs années fait de Québec un incontournable à l’échelle mondiale pour les artistes de la performance, même si la discipline a encore peu de tribunes ici, même à l’Université. « C’est paradoxal, parce que la ville de Québec est beaucoup considérée comme une place forte de la performance, elle est connue à l’international, mais dans les institutions universitaires, il ne se donne pas de cours de performance. »
«Pourtant, les gens sont plus réceptifs qu’il y a seulement 20 ans. À cause de notre festival, c’est quand même la 20e édition, il y a beaucoup d’artistes qui sont passés par Québec, c’est sûr que son public est plus habitué, plus conscientisé. C’est moins une nouveauté pour lui, c’est un acquis.»
Les deux dernières éditions du RiAP avait pris grand soin de diriger les projecteurs vers l’activité performative de villes que l’on pourrait considérer intermédiaires, comme par exemple Victoria, Winnipeg, Moncton, Halifax ou Québec, dans le but avoué de ne pas se limiter à l’effervescence artistique des trois principaux pôles canadiens que sont Montréal, Toronto et Vancouver. Les créateurs ont beaucoup tendance à converger vers ces grands centres, jetant malheureusement ainsi de l’ombre sur ce que de plus petites communautés ont à offrir. La réflexion a également incité l’équipe organisatrice à offrir une plus grande place à l’art action émanant des communautés autochtones, par l’entremise du Rassemblement Internations d’Art Performance Autochtone (RIAPA).
«C’est sûr qu’il y en a plus maintenant qu’avant [de créateurs], le gouvernement encourage beaucoup l’expressivité des artistes autochtones. On a décidé de demander à Guy Sioui Durand de faire une soirée autochtone, c’était notre volonté à nous.»
Cette rencontre constitue une occasion d’un grand intérêt pour Richard Martel, alors que le public pourra en apprendre davantage sur les préoccupations de nations autochtones à travers les travaux performatifs et les conférences de certains invités. Cette dynamique d’échange se prolongera par la suite jusqu’en décembre par la fréquentation par le public des performances et des réflexions d’artistes de partout autour du globe.