Il y a des romans qui font pleurer, d’autres qui font rire et d’autres encore qui font réfléchir. Il est par contre plus rare de tomber sur un bouquin qui fait les trois tout à la fois, en plus d’être mené par une plume franche comme celle de Deni Y. Béchard.
Ça aura pris plus de 17 années de recherche et de réécriture à l’auteur pour terminer le livre consacré à la vie de son père criminel. Roman? Biographie? Confession? Journal ? Peu importe dans quelle catégorie vous classerez ce bouquin, cette vie qui nous est racontée, c’est une grande histoire. C’est tout ce qui compte.
Remèdes pour la faim est le magnifique récit d’un jeune garçon qui devient homme avant son temps, rien que pour essayer de comprendre la vie de son père. C’est aussi le périple d’un homme qui prend tous les moyens qu’il faut pour devenir, pour et par lui-même, l’être humain qu’il a toujours souhaité être. Presque tout de suite au début du bouquin, on a l’impression de tenir un diamant brut entre les mains. Dès les premières pages, on s’attache au jeune narrateur, on s’acclimate rapidement à l’atmosphère du récit, on se blottit avec plaisir au creux des souvenirs semés ici et là. Et puis tout d’un coup, voilà, ça nous apparaît soudain très clair. Ça brille d’ingéniosité, cette façon de raconter les malheurs d’un dur à cuire. C’est audacieux, de jouer si habilement avec le passé, les regrets et les remords, la vérité et la fiction. Ce que nous considérions d’abord comme un roman d’apprentissage classique nous donne maintenant l’impression que le narrateur avait tous les morceaux de l’histoire entre les mains depuis le début, sans le savoir peut-être, et qu’il n’a fait que les empiler de la bonne façon, méthodiquement, pour arriver à raconter enfin cette histoire qui lui chatouillait les tripes depuis toutes ces années. Le plus impressionnant, c’est de voir ce jeune narrateur taraudé par le besoin d’écrire devenir écrivain sous nos yeux, cet écrivain-là même qui est en train de nous livrer son histoire.
Chose certaine, Remèdes pour la faim vient consacrer le talent de conteur de Deni Y. Béchard de façon magistrale. On dit parfois d’une histoire qui nous semble plus ou moins vraisemblable qu’il faut savoir en prendre et en laisser. Avec Remèdes pour la faim, tout semble vrai et on le prend sans rechigner. On déguste chaque anecdote et on ne se questionne pas. Car l’important n’est pas vraiment de pouvoir distinguer le vrai du faux, mais de réaliser qu’au fond, c’est peut-être le vrai ET le faux qui forgent les êtres que nous devenons.
Jessica Pineau