Je suis mixte, c’est d’abord le récit d’une crise existentielle, d’un prisonnier de l’entre-deux-mondes, à mi-chemin entre les préceptes d’Épicure et la vie quotidienne de banlieue dont le calme et la stabilité ligotent l’âme. La pièce, écrite et mise en scène par Mathieu Quesnel, est présentée au Théâtre Périscope du 8 au 13 mars 2022.
Par William Pépin, chef de pupitre arts
Texte et mise en scène : Mathieu Quesnel | Musique : Navet Confit | Distribution : Yves Jacques, Benoit Mauffette et Navet Confit | Éclairages : Renaud Pettigrew | Production : Productions Tôtoutard | Dates : du 8 au 13 mars 2022
Les nuances de la mixité
J’emploie régulièrement – voire trop régulièrement – l’expression « alchimie » pour évoquer la complicité entre deux comédien.ne.s. Avec Yves Jacques et Benoit Mauffette, difficile de trouver un meilleur mot, tant leur relation est féconde. Leur symbiose (voilà, j’ai trouvé un meilleur mot!) est palpable, contagieuse : alors que Jacques nous arrache les rires et toutes les variétés de larmes possibles, Mauffette, quant à lui, du fait de son jeu alliant extase et naïveté, nous interroge, nous questionne. Elle est là, la fameuse mixité : avec eux, on vit tout et son contraire.
Rire, mais pourquoi donc?
Si je devais retenir une chose que m’a appris l’auteur, scénariste et comédien Mathieu Quesnel, c’est le rôle du rire. L’humour de Je suis mixte est là pour mettre en lumière les frontières du malaise, les reliefs de l’inquiétude se faufilant sournoisement sous les solages des bungalows, entre les piscines hors terre et derrière les thermopompes. Effectivement, on rit, tellement même qu’on se croirait à un spectacle d’humour, où les blagues et et les effets comiques vont dans tous les sens. Avec Quesnel, toutefois, l’hilarité n’est pas stérile : elle enseigne.
Le décloisonnement scénique
Avec Je suis mixte, impossible de briser le quatrième mur. Pourquoi? Parce que le mur en question n’existe pas. La mise en scène de Mathieu Quesnel permet un véritable décloisonnement scénique, avec tout ce que ça implique : déambulation des comédiens entre les sièges, dialogues avec le public et morceaux de décor répartis aux quatre coins de la salle… La scène nous avale.
Étant donné son titre, on a presque l’impression que la pièce s’adresse à nous, tant la mise en scène se pose comme un environnement pluriel. Il n’y a pas que l’état psychologique des personnages qui jongle avec la mixité : l’espace scénique le fait également. La musique – brillamment interprétée par Navet Confit –, la vidéo et l’image font naître une réflexion sur l’audiovisuel, sur ses limites, mais surtout, sur ses potentialités. D’où le décloisonnement : il n’y a plus de frontières, sauf, peut-être, entre Berlin et Drummondville.
Enfin, Mathieu Quesnel nous montre que la quête identitaire peut se faire sur le tard, ou, plutôt, qu’il n’est jamais trop tard pour se découvrir, apprendre à trouver ce qui nous façonne. Il nous montre que, pour trouver cette essence, la quête intérieure peut parfois nous sembler bien inaccessible ou, du moins, plus inaccessible qu’un billet d’avion nous transportant d’un bout à l’autre du globe.
© Crédits photo : Mathieu Quesnel