Festival OFF de Québec, 15e édition: trop bref inventaire de moments musicaux marquants

Véritable marathon de découvertes doublé d’un classique annuel pour les amateurs de musique émergente, le Festival OFF de Québec se tenait du 4 au 8 juillet derniers au Complexe Méduse, mais également au Sacrilège, au Fou-Bar, à la Barberie et sur le parvis de l’église Saint-Jean-Baptiste. Le public a eu droit à une 15e édition aux propositions particulièrement variées, pilotée pour une première fois à la programmation par Jean-Étienne Collin Marcoux, dont l’engagement dans la scène locale en faisait un remplaçant naturel pour Sophie Bernier, en poste depuis 2008. Impact Campus vous présente quelques coups de cœur glanés au fil de ces longues soirées festives.  

Harfang réarrangé par Gab Desjardins – Salle Multi du Complexe Méduse – 4 juillet 

Pour lancer l’édition 2018 du OFF, les festivaliers ont eu droit à une prestation élégante d’Harfang, formation indie-folk de Québec bien en vue ces dernières années, augmentée pour l’occasion d’un ensemble à cordes.  

Sur des arrangements de Gab Desjardins, le quintette a présenté plusieurs pièces de son plus récent album, Laugh Away the Sun (paru en janvier 2017), devant une salle remplie et enthousiaste. Alors que les ajouts auraient pu dénaturer le son d’Harfang, voire même sombrer dans le pompeux légèrement désespérant, un très intéressant équilibre était atteint sur scène, chaque chanson réimaginée enluminant tout en sobriété la voix du chanteur Samuel Wagner – que seul un mélomane de mauvaise foi pourrait juger négativement, à notre sens. 

Joe’s Garage – Salle Multi – 4 juillet 

L’équipe du OFF a réussi un autre très bon coup en cette première soirée, stratégie fort utile pour signaler la qualité de son offre à un large public en cette veille d’ouverture du mastodonte FEQ :  réunir une icône du rock américain – dans ce cas précis, l’iconoclaste Frank Zappa – et des musiciens locaux dans un spectacle à grand déploiement. L’objet de leurs ambitions n’étant rien de moins que Joe’s Garage, l’opéra en trois actes du compositeur et musicien, datant de 1979. Un concept éclaté qui avait le potentiel d’attirer un public étranger à la scène émergente locale, multigénérationnel.  

Ce fut un réel triomphe de ce point de vue et la qualité indéniable de l’interprétation des douze musiciens a eu l’air de ravir les amateurs de Zappa. L’œuvre originale avait pour l’occasion conservé toute sa complexité musicale, alors que l’humour grinçant et risqué dans la bouche des différents personnages n’a pas perdu de sa force de frappe (même si à certains moments, c’est l’anachronisme des gags qui frappaient). Le texte a été adapté et traduit en partie pour cette production par le metteur en scène Alexandre Martel ; ainsi, le narrateur de cette saga dystopique, Central Scrutinizer (interprété par Jean-Michel Letendre-Veilleux), pouvait lancer des références socio-culturelles mises au goût du jour, clins d’œil à Gab Paquet inclus. Ce dernier, mais aussi Nicholas Jenkins (Blaze Velluto), se sont joints à la fête célébrée en pleine prohibition musicale zappaïenne. 

Anatole (carte blanche) – Salle Multi – 5 juillet 

Le danger avec un personnage comme Anatole, porté en studio comme sur scène par le susnommé Alexandre Martel, qui joue sur la décadence et la sensualité d’un homme, mais tout autant sur une surenchère théâtrale, d’un spectacle à l’autre, d’une mue à l’autre, c’est qu’à force de pousser le bouchon, le public puisse s’en lasser. Surtout le public local, qui constitue la grande majorité du bassin de fréquentation du OFF et qui a déjà eu l’occasion de voir Anatole plusieurs fois depuis deux ans.  

Appuyé sur des compositions brillantes et accrocheuses, tirées majoritairement de son album de 2016 L.A./Tu es des nôtres, Martel et sa bande ne sont jamais tombés dans ce piège. Le charisme du personnage ne s’étiole pas, tout d’abord, alors que chaque nouvel élément de mystère ou d’excentricité ajouté à son univers en bonifie les performances.  

Pour la carte blanche qui lui était offerte cette année, la scène de la Salle Multi avait été adaptée pour ses langoureux déplacements et un contact plus direct avec le public. Le chanteur a sélectionné un tout nouveau look pour l’occasion : d’abord, des cheveux coupés très courts – même chose pour ses musiciens -, puis un magnifique costume signé Noémi Myriam Otis. En laissant à Anatole le contrôle de la soirée, les chances qu’il présente un spectacle linéaire, confortable, en mode jukebox, étaient bien minces ; le grandiloquent côtoyait parfois le mystique, et le ludique, l’agression. Ainsi sont apparus sur scène, dans un coup d’état avorté visant à museler le dandy, les Martyrs de Marde, puis Laurence Gauthier-Brown, bassiste et chanteuse de la formation VICTIME. 

Alexandre Martel et son équipe brillent tellement dans ce numéro d’équilibriste entre renouveau et redite que l’on souhaite déjà voir la suite du projet, dans le cadre du OFF ou non. 

CHIENVOLER – Studio d’Essai – 7 juillet 

On présentait CHIENVOLER dans le calendrier du Festival de cette année comme étant « influencé par les musiques non-tempérées du Moyen-Orient, le rock psychédélique, l’électroacoustique et le noise », habitué des « tonalités ambiguës ». La formation montréalaise, installée au milieu du studio d’Essai avec sa variété impressionnante d’instruments, a en effet offert une prestation protéiforme, à certains moments enivrante, alors qu’un brusque changement de cap rythmique pouvait faire basculer l’auditoire dans un univers dansant, avant de faire marche arrière. Complexe sans être cérébrale, la musique de CHIENVOLER, quoiqu’impressionnante dans son exécution, était reçue par un public captivé et participatif, la complicité entre les instrumentistes aidant beaucoup.

Les pièces, dont plusieurs étaient tirées de l’album Le Chas, paru en 2017, gagnaient beaucoup de l’ambiance offerte par la plus petite salle du Complexe Méduse : la forte concentration de spectateurs rassemblés autour des musiciens, additionnée à un éclairage judicieux, créait une ambiance particulière, digne du passage de Yonatan Gat il y a quelques années, un moment d’exploration musicale qui avait marqué plusieurs festivaliers.

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