Vania au Trident : L’existence selon Tchekhov

La première médiatique de Vania, œuvre théâtrale du célèbre dramaturge Anton Tchekhov, avait lieu le 6 novembre dernier au Théâtre du Trident. La mise en scène de Marie Gignac rend de façon juste et naturelle ce texte frappant de vérité où la Russie du XIXe siècle fracasse l’espace-temps.

Ann-Julie Nadeau

Intitulée Oncle Vania à sa création en 1897, la pièce se déroule au domaine où travaillent Vania et sa nièce Sophia. Leur quotidien est bouleversé par l’arrivée d’Alexandre, professeur célèbre, ainsi que de sa nouvelle épouse Éléna, femme beaucoup plus jeune que lui qui se plaint d’un ennui mortel. Il y a aussi le docteur Astrov qui arrive malgré lui à générer des sentiments amoureux, non seulement chez la jeune mariée, mais aussi chez Sophia, personnage en amour avec l’amour.

Le rythme des saisons

Le temps, au cœur du sujet et de la scénographie, hante la famille. Le récit met en action l’absence d’éventualité. On assiste au constat pitoyable de chaque personnage sur leur propre vie, la vieillesse et l’absence d’accomplissement. Que ce soit par l’alcool, le mariage ou le déni, chacun tente de se consoler.

Cet état suspendu est rythmé par les saisons, magnifiées par de volumineux écrans où l’on voit la transformation naturelle de la forêt. L’impression de lucioles souligne la poésie du décor, étonnamment réaliste.

Des personnages riches

L’humour de la pièce réside dans un décalage social. L’autodérision de Vania et la mise en perspective de certains traits de ses compères portent un regard plus léger. L’interprétation d’Hugues Frénette dégage bien cette sensibilité, cette clarté d’esprit qui grince autant qu’elle amuse. La richesse du personnage rend l’oncle Vania attachant. Il exprime son univers à sa façon, même dans la tonalité de sa voix.

D’autre part, le professeur (Jacques Leblanc) est celui qui occupe le plus l’esprit de la famille, qui suscite les plus vives réactions. Il agace, il est plaignard. On l’envie, on le plaint. Il représente le souffle de la pièce dans son exubérance.

Une tragédie intemporelle

L’environnement familial explosif amène des questionnements profonds sur l’existence, la désillusion. Le caractère désespéré, voire tragique de cette vie est représentatif du style de Tchekhov. Il suscite des conflits entre l’espoir et la résignation, la vérité ou le fantasme. La justesse de son regard sur l’Homme, intemporel et universel, serait-il la raison de l’envergure de son œuvre? Ici, le dramaturge russe a saisi une constante dramatique propre à l’humain : la peur de vieillir et celle de passer à côté de sa vie.

La scène finale tombe à plat, malgré la puissance du texte. Le monologue final n’arrive pas à saisir l’émotion et le triste sort de la famille. Le temps dira si ce n’était que le trac de la première.

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