« Verrouillez vos portes » : La drôle intrigante

La première de Verrouillez vos portes était présentée à la salle 2320 du pavillon Alphonse-Desjardins le 11 mars dernier. Avec sa nouvelle programmation, Les Treize souhaite effectuer un virage, apprend-t-on dans leur communiqué de presse. Eh bien, mission accomplie, car avec Verrouillez vos portes, l’étonnement était au rendez-vous !

Lorsque les préposés à la billetterie nous ont dit que « quelqu’un viendrait bientôt nous chercher », on se doutait bien que Les Treize nous avait concocté quelque chose de particulier. Même avant le début de la pièce, on avait de quoi être interloqué : l’intemporel programme de la soirée avait été troqué contre ce qui ressemblait à s’y méprendre à un horaire de colloque. Date, lieu, noms des conférenciers, titres des conférences, tout y était jusqu’aux commanditaires. La table était mise.

Écrit par le Collectif de l’eau de Javel à la pêche, Verrouillez vos portes nous plonge dans la 72e édition du congrès annuel du Rassemblement des tueurs en série professionnels (RTSP). Ce sont donc dix tueurs en série qui se rencontrent pour échanger des astuces dans le but de peaufiner leur « art ». Cette année, ils vivent un douloureux échec : les tueurs en série se retrouvent au bas de la liste mondiale des causes de mortalité.

Une expérience immersive

Les points forts de la pièce résident dans sa mise en scène décadente et délicieuse. À l’arrivée, un conférencier — un comédien, on le devine bien — nous invite à déposer notre manteau à l’endroit approprié et à prendre muffin et boisson sur une table mise à notre disposition. Tout au long de la pièce, les comédiens se faufilent entre les spectateurs, s’adressant parfois à eux ou se tapissant dans l’ombre. Le metteur en scène, Guy Langlois, a pris beaucoup de liberté et c’est tant mieux.

Aucune fausse note pour les comédiens. Chacun joue son rôle à la perfection, brillant par son jeu. Si les clichés abondent – l’artiste narcissique (Martin Nowacki), le psychologue pragmatique (Mathieu Ladouceur), la mère étouffante (Andréanne Béland), etc. – ils sont tempérés par l’originalité du propos. Investissant tant la spatialité que l’espace sonore, ils parlent fort, crient, s’affirment, se disputent; les passions sont exacerbées. En résulte une étrange cacophonie qui rend parfois difficile la compréhension des comédiens.

Même si le texte semble avoir tout pour plaire, il demeure malheureusement le maillon faible de la pièce. La courbe dramatique manque de régularité, le texte est parfois inégal et on sent que l’intrigue est assez mince. On reste sur notre faim puisque le texte pose beaucoup de questions sans jamais vraiment donner de réponse.

Somme toute, avec Verrouillez vos portes, Les Treize présente beaucoup plus qu’une pièce de théâtre: c’est une expérience en soi. L’exercice est très rafraîchissant et nous rappelle que le théâtre peut être un beau laboratoire d’expérimentation et de création.

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