Les Treize ont eu, pour cette troisième production de la saison, la bonne idée de monter une pièce d’Anton Tchekhov, l’un des meilleurs dramaturges qui soient.
Cyril Schreiber
La mouette raconte la vie de ce groupe de bourgeois qui vivent dans une résidence sur le bord d’un lac. Ils sont parents, amis, amants, composent une « famille » multigénérationnelle. Ils sont écrivains, docteurs, servantes. Ils ont leurs problèmes, petits ou existentiels. Tout cela, au fond, n’a point d’importance : ils passent et seront bien vite remplacés par d’autres, identiques à eux, ni plus forts, ni plus faibles, juste humains.
La vie vide de sens, voilà la principale thématique que Tchekhov aborde dans son œuvre, incluant La mouette. Marc-Philippe Parent, le metteur en scène de cette production, est resté fidèle au texte, au propos. Peut-être trop : un certain classicisme parcoure son travail, le quatrième mur étant relativement peu brisé. On aurait aimé un peu plus de folie, et surtout un peu plus de personnalisation. C’est dommage, surtout qu’en assistant à cette merveilleuse scène, sans aucun doute la plus belle, chorégraphiée et silencieuse, où les personnages bougent comme des pantins désarticulés avant que le violon de Marie-Michèle Bibeau ne porte au paroxysme le moment, on sait que Parent aurait pu exploiter cette filière. Ce pivot, qui marque dans la pièce une évolution dans le temps, valait à lui seul le déplacement.
Le décor, relativement vide, composé seulement d’arbres, d’un banc, et de quelques accessoires, met lui aussi en saillie le texte, au demeurant puissant. Les comédiens, sans être incroyables, s’en tirent très bien, surtout Benoît Côté, qui incarne un excellent docteur Dorn, cynique à souhait et sans doute le plus lucide d’entre tous. On s’ennuie un peu en voyant La mouette, non pas parce que la production n’est pas la hauteur, loin de là. Mais bien parce que la vie comporte ses trop nombreux moments de lassitude et de vide, que Tchekhov a ici souligné avec brio.