« Après les cheveux courts, maintenant ce sont les cheveux courts et noirs », fut la réponse d’une téléspectatrice outrée par les résultats du 14 décembre. Comme chaque année, une représentante de chaque région de France (de l’Hexagone et des Outre-mer) défend le titre « Miss France » pour être sacrée comme représentante des Français.e.s. Le concours est perçu comme un concours de beauté où la « plus belle » gagnera. Cependant, des problématiques plus profondes y sont dissimulées.
Dayane R. Rodrigues Couturier, journaliste collaboratrice
Le concours de Miss France a été créé en 1920 et est le plus ancien concours de beauté au monde encore en vigueur. Comment fonctionne la sélection ?
Les candidates sont les miss régionales des dix-huit régions françaises (treize métropolitaines et cinq d’Outre-mer). Parmi ces dix-huit régions, quinze sont présélectionnées par la société Miss France, quelques jours avant le concours, selon des critères physiques, d’élocution, de comportement et de culture générale. Il existe des conditions de participation : être française, avoir un casier judiciaire vierge, mesurer au minimum 1,70 m, etc. Ces dernières années, des évolutions, telles que l’acceptation des femmes trans, des femmes mariées et/ou mères de famille, ont permis d’élargir le panel des candidates. Le jour J, comme ce 14 décembre 2024, les cinq finalistes sont choisies grâce à un vote 50/50 : un mélange entre la voix du public (les téléspectateur.rices) et celle du jury. Pour déterminer la Miss France et classer les quatre dauphines, seul le vote des téléspectateurs est pris en compte. C’est ainsi qu’Angélique Angarni-Filopon, 34 ans, hôtesse de l’air, noire, première Martiniquaise et trentenaire à remporter Miss France, devient la représentante de la France et de ses valeurs. Après ce concours, elle choisira de représenter la France soit au Miss Universe, soit à Miss Monde, tandis que la première dauphine, Sabah Aïb, participera à l’autre.
Le choix de ces deux finalistes représente avant tout la diversité des Français.es. Cependant, ces deux gagnantes devront faire preuve de courage face aux réactions à venir.
Le concours Miss France est souvent critiqué en raison de son origine. À l’époque, il s’agissait de désigner la « plus belle femme du pays ». Toutefois, le concours a évolué au fil des années, ce que certain.es téléspectateur.rices semblent oublier. Aujourd’hui, Miss France est devenue une opportunité de montrer la diversité qui réside en France, la beauté de la mixité, qui n’est pas toujours acceptée. Cela a été montré par l’exclusion de Miss France 2003, Corinne Comman, de la couverture de Paris-Match sous prétexte qu’« une noire en couverture, ce n’était pas vendeur » ( Geneviève de Fontenay).
Ce que beaucoup oublient, c’est l’importance de la représentation de la diversité dans les médias, les arts, les emplois de hautes responsabilités… C’est la possibilité d’être médecin ou prince.sse tout en étant une personne de couleur. Un enfant qui voit une fille « non conforme » aux stéréotypes de beauté française, mais qui est leur reflet, peut se permettre de rêver. Le racisme est encore très présent, comme le montrent les réactions de plusieurs téléspectateurs qui ne considèrent pas qu’une femme noire mérite d’être Miss France, car elle ne serait pas « assez belle ». Serait-il en raison de ses traits africains trop prononcées ? De l’absence des yeux bleus ? De la texture ou de la longueur de ses cheveux ? De son teint ? Difficile de se réjouir d’une représentation positive lorsque le contrecoup est toujours aussi violent.
Toutefois, l’évolution des pensées, même si tendue lors des élections législatives et le contrecoup des résultats du concours, marque une nouvelle étape. Une Miss France noire, représentante de la Martinique, et une première dauphine d’origine maghrébine, représentante du Nord Pas de Calais : Angélique Angarni-Filipon et Sabah Aïb.
Ce résultat met en lumière le racisme enraciné dans notre société, mais aussi l’âgisme. La Miss France avait été défendue de participer et critiquée en raison de son âge, une remarque qu’elle a adressée lors de son discours : « Je suis là pour représenter toutes les femmes à qui on a dit un jour que c’était trop tard ». Pour rappel, jusqu’en 2022, l’âge limite de participation au concours était fixé à 24 ans, avant que cette limite ne soit supprimée. Cependant, le problème principal reste le racisme flagrant dont les deux finalistes sont victimes. Miss France 2024 subira des harcèlements, des injures et des discriminations. Elle n’est pas la seule cette année : Sabah a également été prise pour cible en raison de son origine lors du concours Miss Nord Pas-De-Calais. Sabah, blonde, au teint basané, aux yeux bleus, est issue de la troisième génération d’immigrant en France. Cette dualité dans la perception des francais.e.s de couleur avait été mise en lumière lors des 12 millions de votes pour le RN, tout en louant les athlètes noir.e.s pendant les Jeux Olympiques. Des Noir.e.s, souvent vu par leurs origines avant leur nationalité, deviennent soudain des Français.e.s lorsqu’iels font briller la France.
Par ailleurs, les Outre-Mer sont en lutte depuis des mois contre la vie chère, un combat réduit en silence par les médias et calomnié dans l’Hexagone. Peut-être que ce nouveau spotlight sur la Miss France permettra d’aborder les questions de la colonisation et des impacts du néocolonialisme sur les Outre-Mer. Cerre dernière aborde déjà certains sujets « sensibles » lors de ses interviews.
Références
Loridan, C. (2024, December 15). Miss France 2025: qui est Angélique Angarni-Filopon, première Miss trentenaire de l’histoire. BFMTV. https://www.bfmtv.com/people/miss-france-2025-qui-est-angelique-angarni-filopon-premiere-miss-trentrenaire-de-l-histoire_AN-202412150150.html