Dans une scène qui paraitrait surréaliste de ce côté-ci de l’Atlantique, les chefs d’État britanniques et écossais se sont rencontrés la semaine dernière à Saint Andrews, le siège du gouvernement écossais, pour parafer un document historique précisant les modalités entourant la tenue d’un référendum sur l’indépendance de l’Écosse.
Philippe Martine
Selon les termes de l’accord signé le 19 octobre dernier par le premier ministre britannique David Cameron et le premier ministre écossais Alex Salmond, les électeurs écossais seront invités à se prononcer en 2014 par voie référendaire sur le maintien ou non de l’union contractée en 1707 entre les deux États.
L’entente d’Édimbourg prévoit notamment accorder à Édimbourg le droit de choisir le moment exact de la tenue du référendum, qui reste indéterminé pour l’heure, et le soin de formuler la question référendaire, qui devra porter stricto sensu sur l’indépendance de la région. La question devra cependant être soumise à la commission électorale britannique, qui devra juger de sa clarté, et ne comportera pas de question subsidiaire portant sur une dévolution élargie de pouvoirs à l’Écosse.
Le droit de vote sera exceptionnellement accordé aux jeunes Écossais de 16 et 17 ans, clientèle auprès de laquelle la cause indépendantiste trouve un écho particulièrement favorable. Mais plus fondamentalement, par cet accord, le gouvernement anglais reconnait la légalité de la consultation à venir et s’engage à négocier dans l’éventualité où les Écossais se prononceraient en faveur de la souveraineté.
Londres semble ainsi jouer la carte du pragmatisme, prenant acte de l’écrasante majorité accordée par les Écossais au parti indépendantiste Scottish National Party ( SNP ) lors des dernières législatives écossaises. À cet effet, David Cameron a reconnu en entrevue que le Royaume-Uni « ne peut en aucune façon garder un pays en son sein contre la volonté de son peuple ».
Pour leur part, les stratèges du SNP mettent la touche finale à la rédaction d’un vaste dossier sur l’indépendance intitulé « Your Scotland – Your Referendum ». Sa sortie devrait leur permettre de renverser la vapeur et de regagner le momentum perdu aux mains des forces unionistes, qui étaient créditées d’une avance de 25 points dans un récent sondage.
Salmond entend en outre jouer la carte de la polarisation politique entre les deux États, en rappelant le penchant travailliste du peuple écossais, en opposition au conservatisme et à l’isolationnisme prônés par ses homologues londoniens. Les réserves en pétrole de l’Écosse dans la Mer du Nord pourraient ainsi servir à financer de généreux programmes publics et à soutenir la qualité de vie des familles écossaises. La table est donc mise pour une campagne référendaire dont l’onde de choc se fera sentir bien au-delà du mur d’Adrien, en Catalogne, en Flandre et au Québec.