Les enfants sont surreprésentés parmi les réfugiés. Alors qu’ils composent le tiers de la population mondiale, la proportion de « déracinés » s’élève à plus de 50 %. Une situation des plus alarmantes à laquelle nous devons remédier maintenant, estime la professeure titulaire au département de géographie de l’Université Laval, Danièle Bélanger.
Selon un rapport de l’UNICEF rendu public le 7 septembre dernier, ce sont près de 50 millions d’enfants qui ont franchi les frontières de leur pays ou ont été déplacés de force. Plus de la moitié d’entre eux, 28 millions au total, ont quitté leur lieu de naissance pour fuir la violence et l’insécurité.
Danièle Bélanger, spécialiste des migrations internationales, explique que, lorsque des situations de conflits surviennent, l’être humain cherche à protéger l’avenir de la population. C’est pour cette raison que l’on priorise les enfants et les jeunes adultes. Elle indique que 50 % des réfugiés en Syrie sont âgés de moins de 24 ans.
Les jeunes de moins de 18 ans sont assurément les personnes les plus vulnérables dans le monde. En 2015, ils étaient trois fois plus que l’année précédente à demander l’asile sans être accompagnés, soit plus de 100 000. Un lot de problématiques découle de cette surreprésentation, dont les mauvais traitements, les privations, l’exploitation sexuelle et le trafic d’organes.
La professeure titulaire de l’Université Laval soutient que certains pays vont jusqu’à emprisonner ces enfants sans-papiers, ce qui va à l’encontre de traités internationaux et de conventions que les pays fautifs ont préalablement signés pour protéger les droits des enfants. Parmi ceux-ci, on retrouve nos voisins du Sud, les États-Unis.
Étrangers à l’intérieur de son pays
Mme Bélanger insiste sur un fait : on compte quatre fois plus de migrants internes qu’externes dans le monde. Dans le rapport de l’UNICEF, on indique que 17 millions d’enfants ont été déplacés à l’intérieur de leur pays. Une réalité peu connue selon elle, mais qui comporte son lot de défis.
« C’est un phénomène qui est souvent négligé. Ce n’est pas parce que les gens ne traversent pas de frontières internationales qu’ils ne sont pas dans des situations de précarité, de danger ou de vulnérabilité. Ça peut être tout aussi grave d’être déplacé au sein d’un pays que d’être dans une région frontalière », lance-t-elle.
Réalité australe
La géographe poursuit en mentionnant que la majorité des réfugiés se retrouvent dans les pays du Sud et non dans ceux du Nord, contrairement à ce que peuvent penser certaines personnes. « Il faut contrer l’image de vague migration, d’invasion du Sud vers le Nord. Ce n’est pas du tout vrai. Ce n’est qu’une petite portion des réfugiés. Dans le cas du conflit en Syrie, c’est la Turquie qui accueille la majorité des réfugiés, rien à voir avec nos 25 000 au Canada », estime-t-elle.
Ce qui explique cela, selon elle, c’est le contexte politique. À preuve, depuis le changement de garde au fédéral, Danièle Bélanger observe un changement dans l’approche face aux réfugiés. Elle affirme toutefois que l’immigration au Canada demeura toujours à vocation économique.
Éducation essentielle
Bien que la situation alarmante des réfugiés fasse les manchettes, la spécialiste des migrations internationales signale le manque de connaissances des Canadiens et spécialement des Québécois sur le sujet.
« Au Québec, on est en retard par rapport aux autres pays en ce qui a trait à l’éducation. À Toronto et à Vancouver, par exemple, on a adopté la politique « Don’t ask, don’t tell », qui permet aux enfants sans-papiers de fréquenter l’école primaire et secondaire sans payer. On doit faire quelque chose », déclare-t-elle.
Selon elle, il en coûterait moins cher au gouvernement d’envoyer les enfants sans-papiers sur les bancs d’école que d’assurer leur bien-être en marge du système scolaire québécois.
Elle estime que le rapport rédigé par l’UNICEF servira à mieux contextualiser la couverture médiatique. « C’était de dire: maintenant il faut rassembler toutes les données pour vraiment dresser un portrait statistique plus précis de la situation actuelle. Le rapport est d’autant plus intéressant, puisqu’il est difficile d’avoir des données sur des enfants, notamment concernant leur âge et leur lieu de naissance », affirme-t-elle.
Elle conclut en soutenant que la recherche est nécessaire afin de faire pression sur les différentes instances. Celles-ci serviront à humaniser le flux migratoire.
- Protéger les enfants réfugiés et migrants, en particulier les enfants non accompagnés, de l’exploitation et de la violence.
- Mettre fin à la détention des enfants demandant le statut de réfugiés ou migrants.
- Ne pas séparer les familles – le meilleur moyen de protéger les enfants et de leur donner un statut juridique.
- Permettre à tous les enfants réfugiés et migrants de continuer à apprendre et d’avoir accès aux services de santé et à d’autres services de qualité.
- Insister pour que des mesures soient prises afin de combattre les causes sous-jacentes des déplacements à grande échelle de réfugiés et de migrants.
- Promouvoir des mesures de lutte contre la xénophobie, la discrimination et la marginalisation dans les pays de transit et de destination.
Pour consulter le rapport : http://www.unicef.org/publications/index_92710.html