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Aux portes de l’Europe

François Crépeau, rapporteur spécial des Nations Unies pour les droits de l’homme et des migrants, a donné une conférence portant sur la crise migratoire mercredi dernier à l’UL. Impact Campus est allé à sa rencontre pour comprendre comment il envisage le processus d’intégration des migrants au sein de l’Europe.

La conférence intitulée « Faciliter la mobilité et promouvoir la diversité comme leviers de développement » a porté sur les solutions envisagées par le rapporteur en ce qui a trait à l’arrivée des migrants. Selon M. Crépeau, il convient de mettre davantage l’accent sur l’organisation des États européens face à ces arrivées massives afin de mieux préparer le processus d’intégration.

Photo : Cecilia Foissard
Conférence de François Crépeau – Photo : Cecilia Foissard

Pour le professeur en droit de McGill, il existe des solutions pratiques simples à mettre en œuvre par étapes successives. Selon les chiffres du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), il y a trois millions de Syriens dans les pays de transit parmi lesquels figurent la Turquie, le Liban et la Jordanie. Pour lui, le passage par ces États doit favoriser le contrôle de la sécurité aux frontières et le processus d’intégration incluant l’apprentissage d’une langue européenne.

Le juriste explique que l’Europe est en mesure d’accueillir 500 000 personnes sur six années. Il précise que l’Allemagne pourrait prendre en charge 80 000 d’entre eux, la France en accepterait 60 000 et la Belgique, 10 000. « Ces chiffres [sont] parfaitement gérables pour ces pays là », estime-t-il.

Lutter contre les passeurs

Pour François Crépeau, il faut lutter contre le marché des passeurs qui a pris de l’ampleur face à la paralysie des institutions européennes et la perte du contrôle de ses frontières. « En faisant cette annonce, beaucoup de gens […] ne risqueront pas la vie de leurs enfants. » Il estime que cet incitatif poussera les demandeurs d’asile à déposer un dossier au HCR, et ce, malgré l’attente qui peut s’étaler sur plusieurs années.

Les conséquences de ces mesures seraient avantageuses, avance le rapporteur spécial. Les migrants arriveront avec plus de ressources financières indispensables à leur installation. Surtout, il y aura moins de décès. En 2015, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a recensé 3771 décès de migrants rien qu’en mer Méditerranée.

L’Europe est-elle prête ?

Le professeur de droit international soutient que la crise des migrants n’est pas une crise de capacité, mais de leadership politique. Selon lui, les politiciens européens sont réticents à prendre position en faveur des migrants de peur de perdre leur électorat au profit des partis extrémistes.

À cela se conjugue un discours d’aversion alimenté par ces groupes politiques. Pour le défenseur des droits, l’avènement du terrorisme comme régulateur du flux migratoire est vu comme un prétexte. « Le lien entre terrorisme et migration est à peu près inexistant. » Il fait valoir que le meilleur moyen de lutter contre ce crime international est la prévention légitimée par l’intensification des renseignements de sécurité.

Lueur d’espoir

François Crépeau a expliqué que son mandat de rapporteur spécial l’a amené à rencontrer ces migrants enfermés en centres de détention en Grèce, en Albanie et en Italie. « Une chose qui m’encourage de façon extraordinaire […], c’est de rencontrer les migrants […] », rapporte-t-il. Il reconnaît leur combat, leur courage et leur résilience pour réussir à s’en sortir. « Ils seront fêtés comme des héros par leurs enfants et leurs petits-enfants », ajoute-t-il.

Lors de l’entrevue accordée à Impact Campus, il a fait part de l’histoire qui l’a le plus marqué au sujet d’un Afghan qui a fui son pays à l’âge 13 ans. Il a traversé l’Europe centrale et s’est retrouvé en Grèce durant 9 mois à Patras où il a vécu dans une tente sous un viaduc. Celui-ci a essayé à plusieurs reprises d’aller en Italie, en vain. Quelques temps après, M. Crépeau avait appris par l’entremise de Médecins du Monde que ce jeune homme était en Allemagne auprès de ses cousins et qu’il avait trouvé un emploi. « C’est une très belle victoire », conclut-il.

En bref

Règlement Dublin III : C’est un instrument juridique permettant à tout demandeur d’asile de déposer un dossier dans un État européen. Le premier pays où arrive le réfugié est dans l’obligation d’instruire et de statuer sur ce dossier. En pratique, cette procédure pose problème. Des États réticents à traiter les dossiers passent la balle aux autres.

Frontex : C’est l’agence européenne de contrôle et de surveillance aux frontières. Son budget mensuel s’élève à 2,9 millions d’euros. L’opération Triton, instaurée en 2014, succède à l’opération Mare Nostrum, mise en place par l’Italie. Contrairement à Frontex, sa vocation première était humanitaire puisque elle était destinée à porter secours aux migrants. Elle a permis de sauver 150 000 personnes en 2014. L’Italie a dû y mettre fin faute d’aide des autres États européens.

Business des passeurs : Entre 700 et 6000 euros. C’est la somme d’argent par tête que les migrants doivent débourser pour traverser la mer Méditerranée, en fonction de la qualité de l’embarcation.

  • 22 000 migrants sont décédés dans les eaux méditerranéennes depuis 2000.

  • 170 euros, c’est le coût additionnel pour obtenir un gilet de sauvetage.

  • 250 euros, c’est le montant pour passer un coup de fil à l’aide d’un téléphone satellitaire.

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