Paris – D’un côté, l’Angleterre, qui propose un plan de relance par la consommation, n’a pas réussi à faire l’unanimité, ni même à convaincre ses principaux partenaires, comme la France et l’Allemagne. En effet, ces derniers sont plutôt d’avis de relancer l’économie par l’investissement avec une sorte de «New Deal» européen, malgré les incontournables délais de mise en oeuvre d’un tel projet. Toutefois, comme le fait remarquer Sylvain Kahn, professeur à l’Institut de science politique de Paris, l’élection de Barack Obama, après une absence de leadership clair des américains au niveau mondial, a fait baisser les rivalités européennes au sujet de la crise. Bref, il semble désormais y avoir un «capitaine de navire» à la barre de l’économie mondiale, capable de s’élever au dessus de la confusion des voix européennes.
Émergence des préférences nationales
Avec une toile de fond qui ressemble assurément à la crise économique de 1929 (contraction du commerce mondial, crise de liquidité et du crédit), la crise actuelle met sous tension l’esprit européen lui-même et atteint l’UE profondément. Si le plan étatique est dépassé par l’ampleur de la crise, ce n’est pas évident que tous les États européens l’entendent ainsi. Même si les 27 membres de l’UE ont reconnu que le protectionnisme n’était pas une réponse à la crise, on assiste à une remise en cause de la pertinence des institutions communautaires par certains acteurs, à l’effritement de l’esprit intercommunautaire et au rejet d’un plan d’aide d’ensemble ou d’un vaste projet de financement.
Selon le journaliste et essayiste russe Boris Kagarlitski, les pays de l’Est, nouveaux adhérents à l’UE, et dont l’économie est encore vacillante, seront inévitablement les premiers à pâtir d’un tel manque de solidarité européenne et sentiront les effets de la crise longtemps après qu’elle aura été résorbée dans les pays de l’Ouest.
D’autre part, si l’Euro résiste jusqu’à présent plutôt bien à la chute du cours des monnaies, il y a une véritable menace d’implosion, puisque la solvabilité de certains pays membres, comme la Grèce, l’Espagne ou le Portugal, est de plus en plus mise en doute. Aussi, il y a beaucoup à parier que la pression à l’entrée de la zone Euro ira en s’accentuant au fur et à mesure que les effets de la crise se feront sentir sur les économies des pays à la frontière de l’Union européenne, et qui voient comme une salvation l’établissement de cette monnaie unique pour leur pays.
Retrouver une cohésion
Le député socialiste français Pierre Moscovici fait remarquer que l’UE d’aujourd’hui est théoriquement «assez bien équipée sur le plan institutionnel pour ne pas reproduire les erreurs du passé et sombrer dans une spirale individualiste fatalement néfaste pour tous les États membres.» À son avis, le grand coupable de la réponse désordonnée de l’Europe à la crise est sans contredit la commission européenne qui a fait preuve de beaucoup de passivité face à la montée des
«égoïsmes nationaux».
En effet, toujours selon
M. Moscovici, le président de la commission, José Manuel Baroso, semble se satisfaire d’un «enveloppage des plans de relance nationaux», puisque seul 0,3% du 1,5% du PIB de l’UE consacré à dénouer la crise provient réellement de la Banque Centrale Européenne, tandis que le reste des 200 milliards découle directement des États. Finalement, la crise est une occasion pour l’Europe de réaffirmer sa particularité politique et économique face aux États-Unis ou aux économies émergentes. Néanmoins, elle doit absolument trouver le moyen de parler d’une même voix, comme elle a su le faire au sommet du G20 à Londres, si elle veut avoir un poids réel sur la scène internationale.