L’art de se tirer dans le pied

En 2011, les deux grands partis américains avaient mis fin à une crise en se créant une menace tellement désagréable qu’elle devait les forcer à s’entendre. Le 1er mars, faute d’une entente, la menace s’est transformée en réalité.

Jérémie Lebel

Obama_2012_Campaign_RallyUIC_Chicago_January_11th_2012À partir du 1er mars, le gouvernement américain doit appliquer des coupes budgétaires dont le total s’élèvera à environ 85 milliards de dollars pour l’année 2013. La moitié des coupes de cette année affecteront la défense et l’autre moitié affectera essentiellement les « dépenses discrétionnaires domestiques », c’est-à-dire un ensemble de programmes qui comprend les Instituts nationaux de la santé, le ministère de la justice ou encore la NASA. D’autres coupes sont prévues pour les années suivantes, le but étant de réduire les dépenses de 1200 milliards de dollars sur 10 ans.

Les coupes automatiques actuelles, appelées le « sequester » dans le jargon politique de Washington, sont le résultat d’une autre crise budgétaire : le débat sur le relèvement du plafond de la dette de 2011. Les États-Unis sont en effet liés par une disposition légale inhabituelle qui limite la dette du gouvernement fédéral à un chiffre maximum. Lorsque le gouvernement atteint cette limite, il doit demander aux législateurs du Congrès de l’augmenter. Un refus du Congrès d’augmenter la limite signifie un défaut de paiement, car le gouvernement doit souvent emprunter pour rembourser d’autres emprunts ou simplement pour appliquer le budget. En 2011, au lieu de simplement augmenter le plafond pour refléter la réalité, les membres républicains du Congrès ont menacé de forcer le gouvernement à entrer en défaut de paiement. Le conflit s’est éventuellement réglé par un accord sur deux mesures, soit des coupes budgétaires de 920 milliards sur 10 ans et la mise sur pied d’un « super-comité » bipartisan chargé de trouver une manière de couper 1500 milliards sur 10 ans.

Les négociations du super-comité ont achoppé et les négociations subséquentes ont uniquement réussi à légèrement amoindrir l’impact des coupes. Le nœud du problème est le désaccord fondamental entre les deux partis par rapport à la façon de réduire le déficit du gouvernement fédéral, qui devrait s’élever à 900 milliards cette année. Le parti démocrate propose des coupes budgétaires, mais aussi une hausse des revenus de l’État en réduisant certains crédits d’impôts et en augmentant les impôts sur les hauts revenus. Le parti républicain, quant à lui, s’oppose farouchement à toute hausse d’impôts, qu’elle provienne de taux plus hauts ou de crédits abolis. Le parti s’oppose également aux coupes dans la défense et souhaite plutôt que des coupes draconiennes aient lieu dans les programmes domestiques. Les compromis offerts par les Démocrates du Congrès et par le président n’ont pas entamé l’intransigeance des Républicains. Tant qu’il n’y aura pas d’entente, les coupes continueront à s’appliquer, mettant en danger la reprise économique déjà fragile.

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