Le porte-parole de la Maison-Blanche, Sean Spicer, a laissé entendre, la semaine dernière, que le massacre survenu au Centre culturel islamique de Québec justifie la pertinence de la mise en place de nouvelles politiques de sécurité, annoncées par le président américain Donald Trump. Le professeur titulaire au Département de science politique, Jonathan Paquin, explique comment le triste événement a servi à des fins politiques.
Quelques heures après la fusillade du 29 janvier dernier, Sean Spicer a déclaré que « [la fusillade] est une terrible manière de nous rappeler que nous devons demeurer vigilants et pourquoi le président Trump est proactif plutôt que réactif. »
Spicer se serait fondé sur de fausses informations véhiculées par la chaîne de nouvelles Fox News pour établir un lien entre la fusillade et les nouvelles mesures en matière de sécurité nationale. Fox News, relayant des informations tirées de certains médias québécois et canadiens, avait annoncé que le suspect principal était d’origine marocaine, laissant sous-entendre une affiliation à l’islam.
Bien que les médias du Québec et du Canada aient corrigé rapidement l’information, l’intervention du premier ministre canadien a été nécessaire afin que l’information soit changée sur le site Web de Fox News.
Dans son allocution, Sean Spicer faisait référence au décret annonçant la suspension d’entrée aux États-Unis, pendant quatre mois, de ressortissants originaires de sept pays comprenant une population principalement musulmane (Iran, Irak, Libye, Somalie, Soudan, Syrie, Yémen).
Comme le souligne le professeur de science politique, Jonathan Paquin, les réfugiés syriens font l’objet d’une interdiction d’entrée d’une durée indéfinie.
Récupération de l’événement
Si le gouvernement de Justin Trudeau n’a pas réagi directement à l’association faite par Sean Spicer, la députée du NPD, Hélène Laverdière, a déclaré « ne pas comprendre ce rapprochement », lors d’une entrevue accordée à TVA nouvelles.
Selon Jonathan Paquin, il serait possible de percevoir le discours de Sean Spicer comme une manière de récupérer la tuerie à des fins politiques. « Que cela ait été fait de bonne ou de mauvaise foi, il est certain que la fusillade a été instrumentalisée par l’administration Trump pour justifier le décret », déclare-t-il.
Le professeur souligne toutefois qu’il s’agit d’une réponse rapide posée par un journaliste lors d’une conférence de presse. « Ce n’est pas comme si l’enjeu de la tuerie de Québec avait été discuté par les journalistes et le porte-parole pendant des jours », nuance M. Paquin.
Cela dit, les orientations de l’administration Trump en matière de sécurité nationale apparaissent on ne peut plus flagrantes, selon lui. « Il y a véritablement un discours dominant au sein de la Maison-Blanche, voulant que les musulmans soient susceptibles de représenter une menace à la sécurité des États-Unis, particulièrement ceux provenant des pays ciblés par le décret », affirme-t-il.
« Ce paradigme est tellement fort au sein de l’administration Trump que cela l’amène à mal interpréter l’information, de bonne ou de mauvaise foi », ajoute Jonathan Paquin.
Décret contesté
Le président Trump, quant à lui, a affirmé que le décret se veut essentiellement un moyen d’empêcher l’arrivée éventuelle de « terroristes islamiques radicaux » aux États-Unis.
Or, l’interdiction d’entrée a été contestée par plusieurs citoyens, dont le ministre de la Justice de l’État de Washington, Bob Ferguson. Le 3 février dernier, un juge fédéral de Seattle a bloqué temporairement le décret annoncé par le président, le temps que la plainte officielle du ministre Ferguson soit analysée rigoureusement. Donald Trump vise maintenant à faire invalider la décision du juge.