C’est presque un retournement à 180 degrés qui a déjà été imposé à l’actuel président Égyptien Hosni Moubarak. Presque, car il avait annoncé ne pas souhaiter se représenter pour un nouveau mandat en septembre prochain, ayant plutôt l’intention de placer son fils à la tête du pays. La disparition du projet de «dynastie Moubarak», résultant des pressions populaires, est un pas en avant pour la démocratie.
Mais ne nous y trompons pas. Moubarak aurait fêté ses 30 ans de pouvoir en octobre prochain. À travers les années, il s’est rendu indispensable aux yeux de la communauté internationale, entre autre pour son rôle dans les négociations du conflit israélo-palestinien. À l’opposé de Ben Ali, l’ancien dictateur tunisien, il n’est pas facilement remplaçable. Depuis les années 1980, les gouvernements successifs, sous la tutelle de l’ancien pilote de l’armée de l’air, ont permis un enracinement profond de ses partisans dans la fonction publique.
Le pouvoir politique en place joue donc la carte de la stabilité. Oscillant entre empathie envers le peuple égyptien et appel au calme, les concessions se donnent au compte-goutte. Moubarak, qui sait contrôler les médias, les mouvements d’opposition et ses propres représentants politiques compte aussi sur la participation de l’armée afin d’éviter les débordements. Pour s’assurer son soutien, deuxième pilier sur lequel repose le pouvoir avec celui de la police, Moubarak joue la carte de la sympathie. L’armée jouit en effet d’une grande popularité au sein de la population.
Les nominations du chef du Renseignement égyptien, Omar Souleiman au nouveau poste de vice-président et celle de Ahmad Chafic au poste de premier ministre, après la démission de celui-ci, annoncent la nouvelle stratégie du président. De plus, l’arrivée des Frères Musulmans comme acteurs officiels de résolution du conflit pourrait porter fruit. Repoussée du monde politique depuis 1996, l’organisation panislamique a proposé la création d’un comité de révision constitutionnel.
Pour le chef de l’État, il reste à survivre aux ultimatums populaires d’abord, s’assurer de la coopération des fonctionnaires et de la communauté internationale ensuite puis éviter les débordements de violence qui terniraient son image. Le moins que l’on puisse dire est que Moubarak a un agenda chargé.
Alors que les analystes et les médias s’obstinent entre eux sur le cadre d’analyse de la situation, les manifestations continuent dans les rues du Caire. Les victimes des affrontements entre pro et anti-Moubarak sont de plus en plus nombreuses: on en dénombrerait un peu plus de 300, chiffre non encore officialisé par l’ONU.