La loi française relative à l’orientation et à la réussite des étudiants (ORE) a été adoptée le 8 mars 2018. Entrant en vigueur dès la rentrée 2018, elle a pour effet d’instaurer une sélection préalable aux étudiant(e)s à l’admission auprès des universités. Un mouvement étudiant s’est levé pour protester cette loi qui crée une controverse dans le pays. Plusieurs craignent pour l’avenir de l’accessibilité aux études supérieures.
À l’heure actuelle en France, des milliers d’étudiants militent contre le Plan Étudiant. Les universités sont bloquées et les interventions sanglantes des CRS se multiplient.
Si les étudiants pouvaient auparavant s’inscrire et intégrer l’université de leur choix grâce à la plateforme d’application postbac (APB), sans prérequis ni lettre de motivation, ce ne sera plus le cas à partir de la prochaine rentrée.
Cette plateforme sera remplacée par Parcoursup, qui se veut plus moderne et mieux adaptée aux étudiants. APB enclavait les lycéens dans leur académie mais aussi dans leur filière, ou spécialisation. Cette machine électronique agissait parfois comme un mur entre le lycéen et l’université de son choix. Elle empêchait tout dialogue et ne régurgitait qu’un seul « choix » après avoir mâché les dossiers, si l’étudiant était chanceux.
Pour la majorité, ceux-ci choisissaient leur université par défaut et par manque d’orientation. Souvent, ils se retrouvaient avec un choix qui n’était pas le leur ou pire encore, avec rien. Parcoursup exige des lettres de motivation pour tous les vœux et favoriserait l’échange entre le lycéen et l’université de son choix, afin de maximiser ses chances de prouver son intérêt marqué pour celle-ci.
Servie sur un plateau d’argent
Le 7 février 2018, Frédérique Vidal, la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, s’est exprimée devant les sénateurs sur la loi. Un projet axé sur la confiance, l’ouverture et la réussite.
La confiance serait rétablie par la plateforme Parcoursup plus transparente et plus à l’écoute des lycéens. L’ouverture se ferait entre autres sur une plus large échelle, puisque les étudiants ne sont plus obligés de postuler pour les universités de leur académie. Elle se ferait aussi à l’échelle individuelle, puisque les lycéens venant de milieux moins nantis ne seraient plus pénalisés.
Et bien sûr la réussite, car le travail se fait aussi dans les universités qui auront désormais des prérequis pour les programmes, d’où le terme « sélection ». Si le filtre du baccalauréat – équivalent du DEC québécois – n’empêche pas les étudiants qui n’ont pas le niveau requis de passer au premier cycle, celui de la fac (l’université) s’en chargera.
Les étudiants qui seront sur les bancs à la rentrée 2018 auront non seulement le niveau nécessaire, mais aussi l’envie d’y être. Pour ce qui est des lycéens indécis aux résultats fragiles, ils bénéficieront d’une orientation plus intéressée et d’un encadrement resserré, voire d’une année sabbatique de mise à niveau.
Ce sont des mesures qui, selon Mme Vidal, favoriseront l’émancipation douce des filières pour plutôt favoriser l’émergence des profils distincts et de la diversité. De plus, une cotisation pour la vie étudiante sera instaurée ainsi que davantage de financement pour les bourses. L’État espère ainsi compenser le retrait des régimes d’assurance maladie étudiants.
La répression étatique : l’indice d’une faille ?
Si la loi ORE semble fleurir de bonnes intentions, plusieurs étudiants scandent un complot, favorisant la discrimination dans le processus d’admission. Il est clair qu’un lycéen reclus dans une ZEP (zone d’éducation prioritaire, souvent établie dans des milieux précaires pour contrer les difficultés scolaires et sociales) n’a pas les privilèges d’un autre lycéen venant d’un milieu très aisé, comme celui de Saint-Germain-Des-Prés, au cœur de Paris. Cela peut entre-autre transparaîre dans l’expression écrite de la lettre de motivation.
La sélection privilégie les meilleurs lycéens, par définition ceux qui ont accès à la culture et aux meilleures écoles que certains milieux facilitent. Où iront les autres ? Les étudiants français se battent pour leur droit à l’éducation supérieure. Le droit d’essayer, le loisir de se tromper et de s’imposer dans un système qui n’offre qu’un seul moule pour tout le monde.
Depuis plusieurs semaines, le président Macron ne réagit pas. Dans la nuit de 22 au 23 mars, des hommes cagoulés se sont introduits dans la Faculté de Droit de Montpellier pour ensuite tabasser et évacuer les étudiants qui occupaient un amphithéâtre pour protester contre la réforme.
Dans les semaines qui ont suivi, la mobilisation étudiante a pris son essor dans toute la France. La répression violente des CRS (police antiémeute) s’est accrue de jours en jours au sein même des universités, censées être des lieux de dialogue et d’échange. Pourtant le silence du président de la république n’empêche pas les étudiants de se mobiliser contre ce Plan Étudiant.
L’éducation de demain devrait favoriser l’apprentissage, la découverte et surtout l’égalité. Est-ce que la France peut vraiment compter sur le gouvernement Macron pour conserver l’accès libre au savoir, ou bien faut-il s’attendre à une capitalisation de l’éducation? À suivre pour les cobayes de la rentrée 2018.