Cinquante coups de fouet par semaine, c’est la punition imposée à Raif Badawi, blogueur saoudien accusé d’avoir insulté l’Islam en plus d’une décennie en prison. À Québec comme ailleurs, la mobilisation s’organise afin de le faire libérer.
Chaque vendredi depuis maintenant trois semaines, des citoyens se réunissent devant l’Assemblée nationale afin de demander la libération de Raif Badawi. Ironiquement, ils sont une cinquantaine, soit environ un pour chaque coup de fouet que M. Badawi est supposé recevoir chaque semaine.
À l’invitation de l’organisme Amnistie Internationale, cette mobilisation a lieu simultanément dans de nombreux endroits au Canada et dans le monde. La ville de Sherbrooke, où la femme de Raif Badawi est réfugiée, est l’épicentre du mouvement.
Les manifestants tapent dans leurs mains au rythme d’un tambour. Ils tapent 50 fois, afin de rappeler les 50 coups de fouet hebdomadaires que Raif Badawi est supposé recevoir.
« Il y a des manifestations comme ça un peu partout. », explique Marie-Hélène Bergeron, responsable du groupe local d’Amnistie internationale. « La première a eu lieu à Sherbrooke. La femme de Raif est à Sherbrooke donc le groupe d’Amnistie de Sherbrooke est encore plus proche de la cause parce qu’il côtoie sa femme et ses enfants. Ils ont fait un rassemblement devant l’Hôtel de Ville le 9 janvier et puis tous les vendredis depuis. »
Les manifestants désirent montrer au gouvernement qu’ils ne sont pas d’accord et qu’ils aimeraient que les élus mettent de la pression en vue de la libération de Raif Badawi. Une pression nécessaire d’après Mathilde Huguet, membre d’Amnistie internationale Université Laval et étudiante en droit international : « Personnellement, ce n’est pas super important que je sois là. Mais si tout le monde se dit qu’il est important d’être présent et d’apporter sa voix au chapitre, et bien, on peut faire changer les choses. Ce n’est pas ma voix qui compte, c’est celle du groupe. »
« Ce qui est important c’est de montrer au monde que l’on regarde, que l’on voit et que nous désapprouvons pour ne pas que les gens en Arabie Saoudite pensent qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent parce qu’ils sont dans leur pays. »
– Marie-Hélène Bergeron, responsable du groupe local d’Amnistie Internationale.
L’événement se veut donc une sorte de vigie afin de rappeler qu’à des milliers de kilomètres, un père de famille se fait torturer pour ses convictions politiques, une situation totalement inacceptable selon les personnes présentes.
« La torture c’est vraiment une sentence terrible. Cinquante coups de fouet, c’est complètement inhumain. C’est le côté démesuré de ce cas-là qui vient me chercher particulièrement. », déplore Marie-Hélène Bergeron.
Pour cette jeune diplômée de l’Université Laval, il est très important de s’impliquer dans cette cause parce que les actions menées actuellement peuvent avoir un résultat réel : « Je donne du temps pour ça parce que grâce à l’effet de masse, on a encore plus de chance d’avoir un résultat rapide. Et puis, personnellement, ça vient me chercher parce que sa femme est au Canada », espère-t-elle.
Présente à la manifestation, Julia Grignon, professeure de droit international relatif à la protection de la personne à l’Université Laval, croit également que la mobilisation hebdomadaire chapeautée par Amnistie Internationale peut effectivement mener à la libération du blogueur saoudien.
« Je crois que de se mobiliser sur des cas comme celui de Raif Badawi, c’est non seulement nécessaire, mais, en plus, ça fonctionne. C’est à force de faire du bruit qu’on se fait entendre et que l’on arrive à faire sortir des gens de prison. Je suis intimement convaincu que si nous demeurons mobilisés, nous allons faire sortir Raif de prison et qu’il retrouvera sa femme et ses enfants à Sherbrooke », explique la spécialiste du sujet.
D’ailleurs, à ses yeux, rien n’empêche un professeur de s’impliquer et de militer dans une cause comme celle de Raif Badawi : « J’enseigne le droit international des droits humains et je ne conçois pas d’enseigner dans ce domaine-là sans avoir un volet militant. L’enseigner sur les bancs de la faculté c’est une chose, mais ensuite ça se vit, les droits humains », énonce la professeure.
Amnistie Internationale Université Laval
Le regroupement d’Amnistie internationale à l’Université Laval est très impliqué dans ce dossier. En plus d’assister à la vigile en l’honneur de Raif Badawi, les membres de l’organisation sensibilisent les étudiants et le personnel de l’Université à toutes sortes de situations préoccupantes et de violation des droits de l’homme, et ce, partout dans le monde.
« Souvent sur le campus on essaie de sensibiliser les autres étudiants parce que c’est le rôle des étudiants, d’après moi, de s’impliquer dans ce genre de problème, explique Mathilde Huguet. On fait des campagnes de lettres et où nous faisons signer des pétitions. Ce sont des campagnes de sensibilisation. »
D’après les responsables d’Amnistie Internationale, le rendez-vous du vendredi continuera jusqu’à ce que la sentence de M. Badawi soit annulée et que le fouet ne menace plus de s’abattre sur lui. La situation pourrait d’ailleurs évoluer très rapidement dans les prochains jours.
Il est possible de signer une pétition pour faire libérer Raif Badawi sur le site Internet jesuisraif.ca.