Photo: Courtoisie SXC.HU
Les Berbères se désignent eux-mêmes par le nom «Amazigh» («homme libre»), qu’ils préfèrent à l’appellation «berbère», un terme qui provient du latin «barbarus», littéralement «étranger» ou «sauvage». Aujourd’hui, le caractère le plus distinctif des Berbères est leur langue, le tamazight, bien qu’il n’y ait pas d’unité linguistique au sein même de ce peuple. «Les langues amazighes au Maroc se divisent en trois aires linguistiques différenciées, dont l’intercompréhension entre chacune est très difficile», souligne Abdallah El Mountassir, spécialiste de linguistique et de littérature berbères de l’Université d’Agadir au Maroc, qui donnait une conférence dans le cadre du Carrefour international des littératures autochtones de la francophonie la semaine dernière.
«Se côtoient aussi dans le paysage linguistique du Maroc l’arabe dialectal marocain (darija), l’arabe classique et le français. Ces quatre langues en présence au Maroc sont dotées de valeurs sociales et symboliques différentes. L’arabe classique, langue officielle du Maroc, est la langue du pouvoir et des élites, tout comme le français, tandis que le dialectal marocain et l’amazigh, bien que langues de la majorité, ont un statut modeste et relèvent surtout du domaine de l’oral, de la rue», soutient le spécialiste.
Les revendications
Une fois terminée la période de protectorat français au Maroc, dans les années 1950, l’arabité et l’islamité ont été mises de l’avant pour consolider l’identité marocaine. Longtemps, le fait berbère a été perçu comme un symbole de division de la société marocaine.
Actuellement et depuis quelques années, les mouvements revendicatifs et intellectuels berbères demandent la reconnaissance officielle et constitutionnelle de la langue et de la culture berbères et leur intégration dans le système éducatif. Une revendication qui semble toute légitime si on tient compte du fait que les Berbères – arabophones ou berbérophones – forment presque la majorité dans certains pays du Maghreb. Mais l’ouverture à la berbérité se fait lentement et surtout, la langue amazighe n’est pas unifiée et n’a jamais connu de normes orthographiques instituées. Sa transmission a toujours été essentiellement orale.
La langue est naturellement le fondement de la culture et de l’identité, mais malheureusement, selon M. El Mountassir, «une langue disparaît chaque jour. Une langue qui n’est pas enseignée et qui n’a pas d’écriture n’est pas reconnue et elle se perd». L’amazigh fait partie de ces langues menacées.
L’expérience marocaine
Il semble que les revendications amazighes ont fait écho, car lors de son discours du Trône en juillet 2001, le roi Mohammed VI a confirmé l’amazighité comme une composante essentielle de l’identité marocaine. Il a en outre décidé de la création d’un Institut royal pour la culture amazighe, dont la mission sera «la conception, la préparation et le suivi du processus d’intégration de l’amazigh dans le système d’enseignement». Ainsi, au Maroc, des spécialistes procèdent depuis 2003 à la standardisation de la langue amazighe et à son enseignement à tous les jeunes marocains qui fréquentent les écoles primaires. «C’est encore au stade de l’expérience, mais au niveau symbolique, c’est très fort», de dire M. El Mountassir.
Un homme politique marocain préférant garder l’anonymat confirme que la cause berbère prend de plus en plus d’espace politique au Maroc. En effet, le Mouvement populaire, deuxième parti d’opposition officielle au Maroc, revendique le caractère berbère dans l’édification d’un Maroc pluriel, de même que de plus en plus de petits partis de gauche reprennent la cause afin de s’allier avec les masses berbérophones. «Même si la langue arabe occupe une place extrêmement importante au sein des institutions, le pouvoir a ouvert les portes au dialogue et permis l’enseignement du berbère dans certaines écoles primaires, ayant appris des émeutes violentes qui se déroulèrent en Algérie par rapport au fait Kabyle», confie cette source. En ce sens, «il est important pour les Marocains, qui forment un peuple uni tout en ayant des diversités culturelles, de revendiquer la berbérité modérément afin de ne pas créer de cassures comme chez son voisin».
«Les objectifs des revendications telles que le changement constitutionnel visant à reconnaître le tamazight comme langue officielle du Maroc aux côtés de l’arabe classique ainsi que l’enseignement de cette langue sont non seulement d’assurer sa protection, mais aussi d’engager la revalorisation de l’identité berbère», conclut Abdallah El Mountassir. Le tamazight est encore vu par plusieurs comme une langue simplement orale, restreinte à des usages familiaux, en bref complexante pour ceux dont elle est l’unique repère. À la longue, la scolarité pourrait aider à combler ce fossé.