Plus de 250 personnes se sont rassemblées en appui aux femmes autochtones, jeudi à la Place de l’Université-du-Québec. L’évènement fait suite à la diffusion de l’émission Enquête, dans laquelle des femmes autochtones ont présenté des allégations d’agressions sexuelles concernant plusieurs policiers de la Sûreté du Québec.
Militante autochtone et étudiante en sociologie à l’Université Laval, Tania Larivière explique ce qui l’a menée à organiser la vigile : « Je suis Anishinabegkwe de Val-d’Or. Les témoignages, ce sont des visages qui me sont familiers, des personnes que je connaissais ».
L’étudiante, qui est aussi porte-parole de l’Association Étudiante Autochtone de l’Université Laval (AÉA), s’est sentie profondément interpellée par les dénonciations des abus policiers. « J’attendais que quelque chose se passe à Québec. […] Quand j’ai réalisé que personne ne prenait d’initiative, j’ai décidé de faire une demande de permis », raconte l’organisatrice. Quelques jours plus tard, le rassemblement a créé un espace de partage ouvert à tous.
La vigile s’est organisée de façon spontanée et de manière à ce que les participants s’approprient l’évènement. « Il y a eu un round dance à la fin, mais ce n’était pas organisé du tout. Je voulais juste mobiliser les gens. Eux-mêmes font leur propre action. »
Retour aux origines
Les dénonciations ont amené la militante à faire un retour sur son passé. « Ça m’a fait penser au temps où j’habitais à Val-d’Or, à ce que je voyais. [Maintenant], j’ai réalisé c’est quoi », explique-t-elle.
« Pendant longtemps, j’avais un peu honte de Val-d’Or. J’ai grandi là-bas puis je voyais les choses qui se passaient, et j’ai réalisé qu’on est très désensibilisé à ce qui s’y passe. C’est pour ça qu’il n’y a pas beaucoup d’actions », explique la jeune femme. Val-d’Or rassemble des Cris et des Algonquins, en plus d’être un lieu de passage pour plusieurs travailleurs de l’industrie minière. « Ça crée une dynamique assez particulière. Il y a beaucoup de racistes et des problèmes sociaux », dénonce Mme Larivière.
L’étudiante y est retournée pour rejoindre les mobilisations organisées par ses proches, peu avant d’organiser l’évènement de Québec, qui a réuni des acteurs locaux. La vigile a également été organisée en collaboration avec la Maison Communautaire Missinak, qui offre un soutien aux femmes autochtones dans la Capitale-Nationale.
Une violence passée sous silence
La violence dont souffrent les femmes autochtones n’est rien de nouveau au pays, souligne la Mme Larivière. « Ça fait depuis les années 1990 que le mouvement pour les femmes autochtones disparues ou assassinées essaie d’apporter de la lumière… Ça fait 20 ans et cela a enfin sa place dans le spotlight. C’est quelque chose qui était déjà connu. »
Elle poursuit : « On connaît bien les réalités difficiles des autochtones. Il ne faut pas généraliser, ce n’est pas tout le monde qui vit ça. Mais il y a une trop grande proportion de gens qui le vivent ». Au Canada, les femmes autochtones sont trois fois plus à risque de violence que les autres femmes.
L’émission Enquête n’a pas donné d’autre choix que de faire face à la problématique, et les premières dénonciations ont eu un effet d’entraînement. « Une a été faites, alors d’autres ont suivi. Après, on a entendu parler de cas à Sept-Îles, à Manouane. D’autres vigiles se sont organisées et les médias en ont parlé. Ça vulgarise bien le problème », indique l’organisatrice.
Le campus comme point de départ
Sur le campus, l’Association Étudiante Autochtone de l’Université Laval tente de renaître de ses cendres, dans un modeste local au Centre interuniversitaire d’études et de recherches autochtones (CIÉRA). Le rassemblement se fait surtout par le bouche-à-oreille, puisque la liste d’étudiants qui s’identifie comme autochtone est maintenue confidentielle.
Le souhait de Tania Larivière pour rapprocher les communautés à l’échelle du campus : « Oser dialoguer avec quelqu’un. On s’entend que ce n’est pas facile. […] On s’assit puis on échange sur la culture. On démystifie des choses. »
Somme toute, un souhait à la portée de tous.
Quelques chiffres selon la GRC
En 1980, les femmes autochtones représentaient 8 % des cas d’homicides. En 2012, 23 %.
1181 femmes autochtones ont été déclarées disparues et assassinées (164 disparitions et 1 017 homicides). L’ensemble demeure non résolu par la police.