Photo par Maxime Niyomwungeri

Du Congo à Québec, une étudiante en pleine dualité

Une décision qui allait enclencher la confrontation de deux réalités : celle d’une femme ayant grandi au Congo et celle d’une étudiante internationale fraîchement arrivée à Québec. Anna Kaningini a quitté son pays d’origine il y a quelques années afin de réaliser son rêve, celui d’intégrer le baccalauréat en communication publique à l’Université Laval. Son introspection sur les moments marquants depuis qu’elle s’est établie dans la Capitale-Nationale, mais aussi sur les embûches qu’elle a pu vivre.

Par Andréi Audet, chef de pupitre société

Le désir de partir était bel et bien présent. Anna avait envie de suivre les traces de son père qui a voyagé à l’international plus jeune. Elle avait soif de nouveau. Elle ne voulait toutefois pas avoir la barrière de la langue, mais l’idée de traverser l’océan Atlantique l’a fait longtemps réfléchir. Un nouveau mode de vie et une nouvelle culture.

« Au début, tu hésites, car c’est extrêmement loin de chez soi. Je me préparais mentalement à quitter. Jusqu’à la dernière minute, je me demandais s’il ne serait pas mieux que je parte étudier en France, car c’est plus près de l’Afrique.»

Le début d’une nouvelle vie :

L’avion posé au Québec, c’est tout un changement qui attendait Anna. Même si elle s’en doutait, elle ne l’a pas réellement vu venir.

« Lorsque je suis arrivée à Québec, le fait que les gens étaient ouverts, ça m’a fait sentir un peu comme chez moi, même si rapidement, tu réalises que non puisque l’accent de la langue devient un obstacle difficile. Mais au moins, je ne recommençais pas à zéro, j’avais déjà un pas de fait.»

Vient ensuite une forme de prise de conscience. Anna devait demander aux gens de s’adapter à la difficulté de la compréhension, surtout de la langue.

La compréhension des professeur.es :

Les premiers cours universitaires d’Anna n’ont pas été de tout repos. En plus de devoir s’adapter aux différences langagières, l’étudiante internationale devait apprendre une toute nouvelle méthode de travail. Ce qui l’a cependant beaucoup aidée, c’est l’écoute et l’approche humaine du corps professoral.

« Le professeur pouvait bien parler, expliquer. Je le regardais, et je finissais par comprendre ce qu’il venait de dire. Mais c’était difficile. J’ai déjà été voir un professeur à la fin d’un cours, et je lui ai dit que je venais d’arriver et que sincèrement je ne comprenais rien de ce qu’il expliquait. Il m’a répondu qu’il allait s’assurer de voir s’il serait possible que les profs adoptent un français international. Ils étaient conscients que c’était une nouvelle culture à laquelle il fallait que je m’habitue tranquillement, mais sûrement. »

Confrontée à la peur de l’autre :

Anna a vécu certaines situations délicates et déplorables avec d’autres étudiant.es de son programme, surtout lors de travaux d’équipe.

«Il y a déjà une de mes coéquipières qui m’a laissée tomber sans aucun avertissement. Je me suis rendu compte le lendemain qu’elle n’avait pas fait sa partie de travail, et le professeur m’a confirmé qu’elle avait quitté mon équipe, car elle jugeait que je ne faisais pas le travail d’une façon adéquate. »

Mais qu’est-ce qui explique ce genre d’événements?

« Parfois, on dirait que c’est basé sur la crainte, la peur de la différence. Il y a une méfiance de la part de certain.es étudiant.es québécois.es. Ils craignent que nous ne soyons pas capables de travailler comme eux. Je ne sais pas enfaite sur quoi ils se basent. ll y a un travail énorme à faire sur la sensibilisation aux différences culturelles entre les étudiant.es québécois.es et internationaux. Jusqu’à la quatrième session, j’ai décidé de ne plus demander qui voulait se joindre à mon équipe. »

L’implication pour pallier :

La jeune femme âgée dans la vingtaine a trouvé important de s’impliquer tout au long de son parcours universitaire, soit dans des comités ou à CHYZ 94.3.

« Une agente d’étude m’a dit que c’était important de s’impliquer. Lorsque j’étais impliquée dans des associations, j’ai eu le courage d’assister à des activités. Ça m’a aidée à avoir des contacts. J’ai beaucoup appris en m’impliquant, c’est incroyable, car on apprend des nouvelles personnes. Ça complète bien le parcours universitaire.»

La chance d’étudier :

L’étudiante qui a aujourd’hui obtenu son diplôme remercie la vie de lui avoir permis d’étudier, car au Congo, très peu de femmes ont cette chance.

« Au Congo, il y a encore beaucoup l’idée que la femme est inférieure à l’homme. Toutefois, j’ai eu la chance d’être élevée par un père qui s’est fait inculquer l’idée que la femme est bien plus que ce que la société congolaise peut penser. On m’a déjà demandé au Congo pourquoi je continuais à étudier, puisqu’une femme n’aspire pas normalement à cela d’où je viens. »

Elle se rappelle aussi les craintes de son père lorsqu’elle lui a partagé son souhait de quitter le nid familial vers de nouveaux horizons.

« Lorsque j’ai partagé mon désir d’étudier dans un pays étranger à mon père, il était plus ou moins certain, mais je lui ai dit que j’avais tous les moyens pour m’en sortir, affronter cette jungle culturelle. »

Lorsqu’on lui demande de penser à ce que l’Université Laval lui a apporté, elle répond ceci : « Elle m’a permis de grandir. J’ai appris à devenir une femme très mature et consciente de ce qu’est la vie d’adulte. À mon arrivée ici, j’étais dans une période de grands changements. Tout autour de moi était nouveau. Les personnes marquantes à l’Université Laval ont fait de moi la personne que je suis aujourd’hui, la femme débrouillarde. »

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