Comment survivre aux controverses sur le transport à Québec? – Jean Dubé, Jean Mercier et Emiliano Scanu – Septentrion
« L’enjeu du transport constitue un défi environnemental au Québec, mais aussi dans le reste du monde. En effet, si des progrès notables en réduction de GES ont été réalisés dans deux des trois grands secteurs de l’activité économique globale, soit la production de l’énergie et de la production industrielle, le troisième grand secteur, le transport, enregistre des augmentations régulières et continues de production de GES (United States Department of State, 2010; International Energy, Agency 2013), comme c’est le cas au Québec. »
« Les débats autour de l’avenir du transport urbain dans la région de Québec ont souvent été houleux et passionnés […] Ils ont donné lieu à des prises de position parfois extrêmes et unilatérales. Le fait que les deux grands projets de transport proposés pour la région, c’est-à-dire le réseau structurant de transport en commun (RSTC) et le troisième lien, arrivent presque en même temps à la table des discussions publiques n’a fait qu’exacerber les tensions et intensifier les oppositions. »
Tuer le temps – Danielle Trussart – Lévesque éditeur
« Claire m’a serrée dans ses bras décharnés. Ses yeux, de la couleur des câpres, comme elle aimait à le dire, semblaient occuper plus de place qu’avant dans son visage amaigri. Ses yeux trop maquillés à mon goût, parce qu’elle éprouvait la nécessité d’en rajouter, d’en rajouter beaucoup. C’était du moins comme ça que j’interprétais sa flamboyance : blessée de ne pas se trouver belle, elle soignait son ego avec les moyens du bord. »
Sadie X – Clara Dupuis-Morency – Héliotrope
« Plus possible de retourner en arrière, l’Europe lui semble tout à coup une notion intangible. Elle s’accroche au projet qui doit la porter. Elle se tient à sa direction, elle essaie d’en faire apparaître les grandes lignes dans son esprit. Mais devant, le passé la fixe de ses orbites vides. Non, elle essaie de nouveau. Devant, le virus s’active, devant, ce qui pourra la surprendre. Elle doit, oui c’est cela, regarder en avant. Elle y est presque – mais sa tête ne tient pas. »
On s’est promis de chercher ailleurs – Emmanuel Bouchard – Hamac
« Une vraie tête d’enterrement. Sur la photo qui accompagne la critique, Benjamin a les traits tirés, le regard inquiet. Il pousse la porte du grand atelier et dépose le journal sur le guéridon.
Il fait chaud. Benjamin met en marche le climatiseur, coupe une part dans le bloc d’argile, la laisse tomber sur la table de pétrissage. Il ne se souvient pas qu’on ait levé le nez de cette façon sur ses œuvres. »
Rien ne manquait au monde – Marcel Labine – Les Herbes Rouges
« Au premier jour de l’extinction du langage, / le vingt-sept novembre mille neuf cent / cinquante-quatre, démuni autant que la veille, / à l’âge d’homme, quelqu’un monte à l’assaut / du soleil, grisé par les vents matinaux / que des courants ascendants font tourbillonner /autour de ses fièvres érotiques; il s’élève / contre l’emprise des abbés, les paroles périssables, la vie banale piégée par la redite / et les rites religieux qu’on respecte
devant l’ordre séculaire où une meute barbare / les travestit en jouissance si parfaite / que les phrases, enfermées dans la décence, / échouent à les décrire. »
Dans la solitude du Terminal 3 – Éric Mathieu – La Mèche
« J’ai dormi jusqu’à quatorze heures. J’avais vomi dans mon sommeil. Une petite flaque décorait mon oreiller et une odeur acide flottait dans ma chambre. J’avais mal partout, aux muscles, aux os, à la tête et j’ai eu de la difficulté à me lever. Dans la salle de bain, je me suis regardé longtemps dans la glace, étudiant d’éventuels changements surgis dans la nuit. L’ampoule au plafond dessinait des ombres bizarres sur le mur, mon corps était entouré de bâtonnets fluorescents et d’étincelles lumineuses. Mon visage et mes épaules se dédoublaient. Mes deux figures ont dansé devant moi pendant quelques minutes, puis je suis revenu à mes esprits. »
L’équilibre – Cassie Bérard – La Mèche
« La vie est rude dans ces banlieues faciles. On a beau dire, les grands lustres et les piscines creusées ne compensent pas les pulsions de sabotage avec lesquelles la majorité des jeunes se débattent. Et le discours moraliste des parents, qui ne se figurent pas pourquoi leur gentil garçon s’est transformé en voyou, alors même qu’ils ont tout donné, ‘tes privilèges, tu en fais quoi?’, tout tenté, ‘tu n’as manqué de rien’, n’arrange pas la situation. Le père se prend la tête, attrape des gerbes de cheveux, la mère abat son poing sur le comptoir : ‘Voilà ta façon de nous dire merci.’ Pendant ce déchirement racinien, Quentin s’enfonce dans les lattes du plancher. »
Panser le passé, penser l’avenir. Racisme et antiracismes – Rachida Azdouz – Édito
« Puisque les progressistes ne forment pas un bloc monolithique, pourquoi donc a-t-on l’impression que les voix les plus nuancées sont inaudibles, timides quand il s’agit de dénoncer les excès de certains activistes aussi intolérants que l’intolérance qu’ils dénoncent, ou de s’en distancier?
Ceux qui se reconnaissent dans la catégorie des progressistes orphelins, baptisée ainsi par David Goudreault, ont plusieurs raisons de rester prudents. Lorsque j’ai entendu prononcer le mot ‘woke’ pour la première fois, j’ai été séduite; selon ma compréhension, c’était une auto-injonction qui signifiait ‘je dois rester éveillée, surveiller mes propres angles morts, ne pas m’endormir, ne pas m’arc-bouter sur mes convictions’. D’autres ne l’ont pas entendu de cette oreille et ont plutôt interprété cette formule comme une incitation à répandre la bonne parole et à dire à leurs concitoyens ‘réveillez-vous!’ »