Bien des étudiants connaissent ce mal étrange qui apparaît vers la fin novembre ou au début décembre. Celui qui vous fait vomir au lever sans raison apparente, entre deux frissons et un délire fiévreux. Est-ce le fait des trois boissons énergisantes avalées la veille pour cause d’étude, ou de la nuit blanche qui s’en est suivie? Est-ce la finale grandiose de la grippe que vous traînez depuis octobre? Hélas non, c’est l’aboutissement métaphorique de votre écoeurement.
Car c’est dur, la conquête de l’excellence. Vous n’avez pas fini de faire des crises d’hypertension si vous continuez d’avoir l’ambition d’étudier à temps plein, de travailler 25 heures par semaine, de faire le ménage de votre appartement avant que les amas de poussière vivants le déclarent leur, de vous impliquer dans quelques activités parascolaires et en plus, d’avoir de bonnes notes. Vous avez déjà oublié que vous aviez une vie.
Au milieu des angoisses de la vie moderne, il existe un stress engendré par le milieu scolaire, qui est peu quantifiable et difficile à cerner. Les chercheurs commencent à s’y intéresser chez les élèves du primaire et du secondaire. À l’université, beaucoup d’entre nous affrontent pour la première fois les responsabilités d’adultes, et beaucoup de facteurs communs à l’ensemble de la population nous causent des maux de têtes (l’alignement de Mars et de Vénus, le travail, etc.), ce qui complique les données. Sans compter que la vingtaine, qui n’est pas le plus insouciant des âges –contrairement à ce que voudraient bien croire ceux qui l’ont perdu– est un moment charnière où l’on réfléchit sur l’avenir et ses questions trouble-fêtes.
Les problèmes d’argent ne sont pas étrangers à nos insomnies. L’endettement étudiant est un facteur qui joue indiscutablement dans le niveau de stress des universitaires. En France, 40 % des étudiants en situation de mal-être psychologique vivent du stress lié à des difficultés d’ordre financier, comparativement à 29 % de l’ensemble de leurs pairs. Par ailleurs, 55 % des étudiants en médecine dentaire auraient un niveau de stress modéré ou élevé lié à leur endettement, lequel atteindra des sommets du fait de leurs études, selon le Journal de l’Association dentaire canadienne. Les quelques sources disponibles ont beau être disparates, les chiffres convergent. L’endettement favorise le stress et celui-ci, on le sait, engendre à peu près toutes les maladies du monde, du simple bouton au cancer en passant par la détresse psychologique.
Un étudiant ayant terminé un baccalauréat en 2000 traîne en moyenne une dette de plus de
14 000 $, selon Statistiques Canada. Cinq ans après avoir fini, seuls 40% des diplômés (tous cycles confondus) avaient complètement remboursé leur dette en entier. Quand on sait qu’il faut commencer à rembourser son dû six mois après la fin de ses études à temps plein (ce qui veut dire que l’on peut poursuivre des études à temps partiel et devoir rembourser sa dette), il y a de quoi hyperventiler à trouver un job au plus vite, même dans des domaines où le marché de l’emploi est incertain.
Il me semble que prise sous cet angle, la question de l’endettement étudiant, l’un des seuls facteurs politiquement contrôlables parmi ceux qui angoissent la population étudiante, acquière une nouvelle dimension. Celle de la santé, qui depuis toujours interpelle tant Jean Charest. Ou celle de la fatigue, à laquelle tous les politiciens en campagne peuvent se dire compatissants. Faudra-t-il leur emmener un étudiant en fin de session sur un grabat pour que l’éducation postsecondaire trouve sa place dans la campagne?
Digression faite, il faudrait aussi rappeler que ce sont les étudiants les plus favorisés financièrement, ceux qui ont le moins de responsabilités, qui ont le plus de chances de réussite à l’université, quand on sait que travailler plus de 10h/semaine durant ses études affecte les résultats scolaires. Ce sont eux qui ont le temps de se consacrer à leurs études tout en s’impliquant, eux qui peuvent le plus facilement obtenir les bourses d’excellence. Et ils vivent de façon particulière un autre facteur de stress qui n’a pas fini de nous ronger : le perfectionnisme. À la conquête de l’excellence!