Un débat à poursuivre

Peu importe que l’on soit pour ou contre une hausse des frais de scolarité, à peu près tout le monde s’entend pour dire que l’accessibilité à l’éducation ne doit pas être menacée. Peu importe son rang social, son origine, son revenu ou celui de ses parents, tous doivent avoir la possibilité d’améliorer leur sort en ayant la chance d’étudier dans le domaine de leur choix. Malgré les diverses formes d’aide financière aux études, l’argent demeure trop souvent un frein considérable à la décision d’entreprendre ou non des études postsecondaires. Même en sachant que l’on risque fort bien de trouver un bon emploi une fois les études terminées – à condition qu’elles ne prennent pas fin prématurément faute de moyens financiers –, qui n’hésiterait pas à s’inscrire à l’université tout en étant conscient des dizaines de milliers de dollars d’endettement qui se cachent potentiellement derrière son diplôme?

Certains diront que la volonté est tout ce qui importe et que quiconque en ayant suffisamment peut réussir ses études. Ne serait-ce pas plutôt de la témérité que d’étudier à temps complet, tout en occupant un emploi – disons 25 heures par semaine – pour assurer sa subsistance? Il va de soi qu’un étudiant qui dédie autant d’heures à travailler pour financer ses études sera considérablement moins bien formé qu’un autre ayant eu le temps de se concentrer davantage sur ses différents cours. C’est sans compter les activités parascolaires – tout aussi essentielles que les cours pour posséder une bonne formation – sur lesquelles il faudra mettre une restriction colossale.

Malheureusement, de nombreuses recherches montrent que l’augmentation des frais de scolarité, aussi minime soit-elle, se traduit inévitablement par une baisse de la fréquentation scolaire. Une récente étude menée par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) a utilisé un modèle économétrique pour évaluer les impacts probables d’une variation des frais de scolarité. Par exemple, l’ajustement des frais de scolarité québécois à la moyenne canadienne – 4893 $ par an, tel que proposé par les jeunes libéraux à l’occasion de leur dernier congrès – se traduirait par une diminution de 22 119 étudiants à la grandeur de la province, alors que l’abolition de ces frais augmenterait de 17 993 le nombre d’étudiants québécois. En 2012, au terme de l’actuel dégel des frais de scolarité, les étudiants québécois paieront 2168 $ annuellement. Évidemment, ce montant n’inclut pas les frais afférents et rien ne garantit que le dégel entamé par le gouvernement libéral de Jean Charest s’arrêtera, bien au contraire! En conclusion, «cette étude nous a montré qu’en prenant en compte l’aide financière aux études, selon ses paramètres actuels et les outils fiscaux, une hausse des droits de scolarité au Québec pour parvenir à la moyenne observée dans le reste du Canada aurait des effets sur l’accessibilité, c’est-à-dire une baisse de la fréquentation, du même ordre que lors de la hausse des droits qu’a connue le Québec au début des années 1990.»

Autre fait déplorable : les résultats de cette étude étaient connus par le gouvernement québécois une semaine avant les élections du 27 mars 2007. Toutefois, il n’a pas cru bon d’en informer les électeurs et ils n’ont pas été rendus publics avant octobre 2007… Il semble y avoir là un manque flagrant de transparence.

Outre les chiffres et les statistiques, on entend souvent dire que les études ne doivent servir qu’à une chose : décrocher un emploi, le plus payant et le plus rapidement possible. Il y a une part de vérité dans cette affirmation. Toutefois, il ne faut jamais sous-estimer plusieurs autres bienfaits qu’apporte l’éducation, de quelque niveau que ce soit. Une personne instruite sera fort probablement un meilleur citoyen et aura une plus grande conscience des conséquences de ses actions. Une personne instruite sera généralement bien rémunérée et paiera donc plus d’impôts, ce qui bénéficiera à l’ensemble de la société. Une personne instruite sera assurément moins tentée par la criminalité qu’une autre ayant de la difficulté à joindre les deux bouts. Comme l’a dit si sagement Victor Hugo : «Ouvrez une école et vous fermerez une prison.» Pensez-y, cette simple phrase en dit long sur la véritable nature de l’éducation…

La question majeure demeure donc les sources de financement, à savoir l’opposition incessante de deux visions : «l’utilisateur-payeur» versus la «société-payante». Malgré le fait que l’éducation soit une nécessité, un bien collectif ayant des retombées positives énormes sur toute la société, l’idée que chacun devrait payer individuellement pour ses études gagne du terrain. L’éducation postsecondaire, tous niveaux confondus, enrichit la société autant culturellement qu’économiquement parlant. En conséquence, son financement ainsi que son accessibilité doivent être considérés comme un devoir de la société. Les taxes sont le prix à payer pour vivre dans une société civilisée…

Gabriel Coulombe, finissant au baccalauréat intégré en économie et politique

Francis Langlois, candidat à la maîtrise en études internationales

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