Michèle Audette est l’une des quatre commissaires qui ont été nommés pour mener l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Elle donnait une présentation sur le sujet dans le cadre du Colloque du CIÉRA. Le défi de cette Commission d’enquête est grand, les commissaires n’ont eu que deux ans pour produire leur rapport qui être publié en novembre. « Pourquoi nous avoir donner si peu de temps et de ressources pour faire quelque chose qui n’a jamais été fait avant? » se questionne-t-elle, visiblement émue.
« Ça l’a pris 40 ans de dénonciations pour qu’une société mette en place un processus qui existait déjà pour faire la lumière. Là on nous dit, vous avez deux ans. Deux ans pour examiner toutes les formes de violences faites aux femmes et les programmes des 14 gouvernements et de tous les conseils de bande », ajoute Michèle Audette.
Sans extension, ça veut dire que les commissaires ne pourront pas questionner les gouvernements, comme le temps commence à manquer avec la remise du rapport prévue au mois de novembre. « Je suis fâchée, on sera même pas capable de faire un vrai rapport !», s’exclame l’ancienne politicienne.
Par manque de temps, elle raconte aussi que la Commission a été obligée de dire à 700 personnes qu’elle ne pourrait pas les écouter. Selon ses propres aveux, la certaine défiance de la commissaire est bien connue par ses collègues. « Les gens vont dire que c’est parce qu’on a perdu beaucoup d’employés ou qu’on est désorganisé, mais dans la vraie vie c’est cheap parce que ce sont les 700 personnes qui vont être pénalisées par ce discours. Il faut revenir à ces personnes qui méritent d’être entendues », plaide la commissaire.
Opérer dans un système colonialiste
L’enquête se doit de respecter un cadre normatif et juridique qui n’est pas autochtone. La commissaire se dit consciente qu’il aurait été difficile d’en faire autrement. « J’ai accepté de le faire. Je vais utiliser votre système pour parler à votre système et changer votre système », martèle-t-elle, soulignant le fait que la Commission d’enquête accepte tout même de travailler avec des protocoles autochtones lors des rencontres avec ceux-ci.
L’approche est loin d’être parfaite selon Michèle Audette. « Oui, j’aurais aimé que ça soit à 100% autochtone et oui, nous sommes colonialistes, mais l’enquête reste une création d’une loi fédérale », concède-t-elle. Elle voit la Commission comme un outil, le seul à leur disposition pour l’instant. Selon ses dires, il ne faut surtout pas « rater notre shot ».
« Les femmes doivent subir une triple violence, elles la subissent déjà par leur agresseur, ensuite par la communauté qu’elles dénoncent et là de la part de la société qui critique une enquête qui a été réclamée pendant longtemps », dénonce Mme Audette.
Pierrot Ross-Tremblay, l’un des intervenants d’une autre des activités du colloque, fait partie de ces critiques. Il voit plutôt l’enquête comme une stratégie politique de la part du gouvernement fédéral. « Les femmes autochtones sont utilisées comme bouclier humain par Trudeau qui peut se cacher derrière », affirme-t-il.
Mme Audette garde espoir. « Pour certains les commissions, c’est pour calmer des groupes, des idéologies ou des écoles de pensée, et pour d’autres c’est pour mettre en place des nouvelles façons de faire », compare-t-elle, espérant que son appel à l’action sera entendu.
Le sort entre les mains de tous et chacun
Elle espère tout de même qu’il en ressortira quelque chose, ne serait-ce que pour honorer les femmes disparues ou assassinées ainsi que celles qui ont accepté de témoigner devant les commissaires. « On veut proposer un projet de société qui va aider aussi les Canadiennes, les Québécoises et les femmes qui arrivent d’ailleurs, pour que quand on marche à l’extérieur, on se sentent en sécurité », conclu l’ancienne politicienne.
Déjà, il serait possible d’agir, selon elle. « Nous avons pas besoin d’une Commission d’enquête pour appliquer les 1200 recommandations parues dans les 20 dernières années qui touchent juste les femmes autochtones », avoue Michèle Audette, dénonçant ainsi le manque d’actions.
Durant sa présentation Michèle Audette était accompagnée par Pénélope Guay, sa Kocoum, ou grand-mère spirituelle. « Il faut demander de prolonger l’enquête, c’est prioritaire ! On doit continuer à entendre les femmes et les hommes autochtones qui n’ont pas pu témoigner », lance Mme Guay, qui n’a pas à se garder la même réserve que la commissaire.