En janvier 2020, j’attends encore la note pour un de mes cours de la dernière session à l’Université Laval. Je ne m’en fais pas trop. Apparemment, c’est courant. Jusqu’à ce que je reçoive l’appel de la commissaire aux infractions de l’Université Laval au début du mois de février. J’en reste bouche-bée ; je n’ai jamais eu l’intention de plagier, mais bien sûr, les intentions ne comptent pas dans ce genre de cas.
Par Léonie Faucher, rédactrice en chef
Bon, une fois remise de l’émotion de l’accusation, ma situation n’est pas très alarmante vu l’explication justifiable de l’erreur de citation commise dans ce travail. L’enseignante concernée me permet de faire une reprise du travail plagiaire. Cependant, je suis maintenant dans une sorte de période de probation de plusieurs mois durant laquelle une « récidive » pourrait entrainer des mesures plus drastiques. C’est stressant ! Je suis maintenant paranoïaque des mauvaises citations et des mauvaises utilisations de sources.
Le conseil qu’on donne aux étudiants accusés de plagiat est de consulter le site de la bibliothèque de l’Université Laval qui offre des formations plusieurs fois par session sur les méthodes d’utilisations de données dans les travaux universitaires afin de prévenir le plagiat universitaire. La situation m’a fait réfléchir à plusieurs aspects du plagiat, surtout par rapport aux nouvelles technologies qui sont souvent pointées du doigt comme complice du plagiat.
Le traitement du plagiat à l’Université Laval
Pourquoi préciser l’Université Laval ? Simplement parce que d’un établissement à l’autre, les modalités en matière de plagiat peuvent changer, et même d’une faculté à l’autre. Ma première erreur a donc été de ne pas consulter le Règlement disciplinaire de l’Université Laval, ayant celui de mon ancien établissement scolaire bien ancré dans ma mémoire.
C’est tolérance zéro à l’Université Laval ! Le site de la Bibliothèque de l’Université relève les causes de plagiat qui sont multiples, mais qui ne justifient pas le manquement éthique. Parmi les plus populaires figurent le manque d’information sur ce qu’est plagier, le manque de temps, la procrastination, les lacunes méthodologiques, les modes de citation (là où j’ai été réprimandée) et la difficulté d’innover.
Quels sont les comportements considérés comme du plagiat sont à proscrire selon le Bureau du droit d’auteur de l’Université Laval ?
1. Utiliser une reproduction artistique, des graphiques, des illustrations, des cartes géographiques, des statistiques, des photographies, etc., sans en indiquer la source
2. Traduire un extrait de document d’une langue vers une autre sans mentionner la source et sans le mettre entre guillemets
3. Copier, contrefaire ou falsifier un document sujet à une évaluation
4. Emprunter l’œuvre d’autrui sans en identifier la source (plagiat) 5. Consulter la copie d’un autre étudiant lors d’un examen ou un travail individuel
6. Posséder tout matériel, instrument ou appareil non autorisé
7. Obtenir les questions ou les réponses d’un examen avant l’évaluation
8. Obtenir une aide quelconque non autorisée
9. Substituer ou se faire substituer par une autre personne pour passer un examen
10. Soumettre à un enseignant un travail qui a déjà été remis pour évaluation dans le cadre d’un autre cours (autoplagiat)
11. Modifier sans autorisation un travail déjà remis
12. Inventer des données dans un document remis pour évaluation
Source : bda.ulaval.ca Bureau du droit d’auteur de l’Ulaval, onglet plagiat et aide à la citation.
Je place un accent sur les numéros cinq et dix qui ne sont souvent pas considérés comme du plagiat par les étudiants. Cependant, faire lire son travail par un autre étudiant ou reprendre un travail (surtout dans des contextes de reprises d’un cours) est une forme de plagiat souvent sanctionnée par le Bureau du droit d’auteur.
Les sanctions possibles du plagiat universitaire
À l’Université Laval, le Règlement disciplinaire, disponible sur le site de l’Université Laval, prévoit à l’article 46 les conséquences suivantes selon le cas, la gravité et le nombre d’infractions de l’étudiant, soit :
1. Réprimande
2. Reprise d’une partie de travail ou la reprise d’un nouveau travail
3. Obligation de participer à une activité de formation complémentaire
4. Attribution de la note zéro au travail
5. Obtention de la mention échec au cours
6. Suspension de l’inscription à l’Université
7. Exclusion temporaire ou définitive de l’Université
8. Rappel du diplôme d’études si le plagiat est découvert après l’obtention du diplôme
Source : bda.ulaval.ca Bureau du droit d’auteur de l’Ulaval, onglet plagiat et aide à la citation.
Est-ce la faute du créateur du copier-coller ?
L’inventeur de la fameuse fonction copier-coller, Lawrence Larry Tesler, s’est éteint le 16 février 2020. L’informaticien américain est responsable entre autres des manipulations permettant de déplacer des données sur l’écran. La place de la technologie dans le domaine du plagiat m’a intriguée. Surement que Tesler ne pensait pas que son invention serait utilisée à mauvais escient et soit accusé d’être « responsable » de plusieurs pratiques liées au plagiat.
D’ailleurs, la fonctionnalité informatique du copier-coller a, selon Tesler, encouragé voir banalisé le « copier-voler » des oeuvres, des publications ou des créations, particulièrement celles qui sont disponibles sur le web, en violant les principes élémentaires des droits d’auteur.
Origine du copier-coller
Inspirée d’une vieille technique de l’imprimerie qui consistait à couper des parties de phrases dans un texte papier et de la recoller avec un ruban adhésif. L’utilisation de la commande copier-coller permet d’augmenter la productivité.
On peut alors se demander si la technologie est vraiment responsable du plagiat massif soulevé dans les universités si la pratique du copier-coller existait déjà à l’époque de l’imprimerie. Ce phénomène était observé dans les années 60, bien avant l’apparition des technologies modernes. En effet, Elisabel Larriba (spécialiste des pratiques en journalisme espagnole au 18e siècle) mentionne à quel point le plagiat était présent :
« Cette mise au point, émanant d’un éditeur sans doute confronté à la difficulté d’accéder à des sources originales, était assurément motivée par la lassitude du public face à la démarche de nombre de rédacteurs qui, par nécessité ou pure commodité, érigeaient en système la politique de l’emprunt, de la reprise, quand ils ne succombaient pas tout bonnement à la tentation du plagiat. De fait, certains éditeurs puisèrent sans vergogne leur inspiration dans la presse nationale et sans prendre, la plupart du temps, la peine de citer leurs sources. » ‒ Elisabel Larriba
D’ailleurs, la spécialiste utilise l’appellation de « journaliste- compilateur » pour nommer ceux qui, dans leur pratique d’écriture, compilaient d’autres sources sans les nommer. Fait intéressant, le plagiat n’a pas toujours été sanctionné dans le passé. À l’aide d’un exemple tiré du 18e siècle, Elisabel Larriba illustre cette réalité :
« L’essentiel du travail de Cladera, qui avait reçu une solide formation et disait maîtriser plusieurs langues, résidait donc dans la compilation et la traduction de textes écrits par d’autres, démarche qu’il présentait, de par la diversité et la nature des sources utilisées, non pas comme une solution de facilité mais comme un gage de qualité. Cette tendance à ériger l’emprunt (dans ce cas avoué et revendiqué avec fierté) en système fut d’ailleurs fort appréciée par un public qui n’avait ni le temps, ni les moyens d’accéder à de telles informations. »
La facilité du plagiat et la condamnation
Dans notre parcours universitaire, procrastiner n’est pas rare. Toutefois, lorsque le délai pour la rédaction d’un travail se resserre, la communauté étudiante aurait tendance à recourir plus fréquemment au plagiat. Le sentiment d’urgence se fait sentir à l’approche de la date de remise. En effet, les pratiques plagiaires permettraient de traiter un sujet plus rapidement en écourtant la période réflexive.
La condamnation du plagiat par les universités est à mon avis nécessaire. Les étudiants doivent prouver leur compréhension de la matière et appuyer leur réflexion sur des recherches. Un « étudiant-copieur » serait donc une personne qui obtient un diplôme grâce aux idées des autres sauf de lui-même, si nous modernisons l’expression d’Elisabel Larriba.
Des chercheurs universitaires se sont vus sur la sellette dans le passé après que des histoires prouvant qu’ils ont déjà eu recours au plagiat aient été relatées dans les médias. Les universités n’ont jamais aimé jongler avec ce genre de problème, car leur réputation peut en être grandement affectée.
L’ampleur des médias, le grain de sel devient montagne
De nos jours, la médiatisation de problèmes permet souvent des avancées dans un milieu quelconque. Du moins, c’est ce que soutient Xavier Pons, enseignant à l’Université Toulouse le Mirail.
« On retrouve ainsi, dans plusieurs articles, le processus de réduction des enjeux auquel donne lieu la médiatisation. Celui-ci se traduit, dans certains cas, par une focalisation très forte sur une controverse simple qui tend à occuper une place importante, voire hégémonique dans le débat médiatique. […] la sphère publique étroite que constituent les médias ne conduit pas mécaniquement à une réduction des enjeux mais peut aussi contribuer dans certains cas à mettre l’accent sur de nouvelles problématiques. »
Les cas de plagiat dévoilés par les médias permettent de démontrer qu’il y a bel et bien une problématique au sein de plusieurs universités. Des solutions peuvent être par la suite trouvées. Puisqu’ils font office d’autorité, les médias peuvent donner l’impression qu’une situation est plus problématique qu’elle ne l’est réellement.
Toujours selon Elisabel Larriba, le plagiat existe depuis des siècles. Or, peut-être paraît-il soudainement si répandu, parce qu’il est davantage médiatisé et dénoncé. Alors qu’avant l’apparition des logiciels anti-plagiat qui captent les cas les plus évidents, il passait plus facilement inaperçu. Par exemple, lorsqu’un passage copié et collé provenant de l’encyclopédie en ligne Wikipédia est transcrit dans un moteur de recherche, la page d’origine sort rapidement. C’est donc évidemment plus simple qu’à l’époque où il fallait feuilleter une encyclopédie papier de plusieurs volumes pour retrouver ledit passage plagié.
L’innocence de l’inventeur du plagiat
L’inventeur du copier-coller Tesler n’est pas responsable du plagiat, il ne l’a pas amplifié, puisque selon moi, c’est un problème plus qu’ancien. Cependant, il a rendu techniquement plus simple un procédé qui existait déjà manuellement. C’est l’histoire de l’évolution ! Par exemple, l’ancien copiste est devenu imprimeur, puisque l’imprimante a facilité la production et la diffusion de l’écrit qui existait déjà. Tout comme le plagiat s’est vu facilité par les nouvelles technologies.
Cependant, c’est le même phénomène pour la détection ; les avancées en matière de détection permettent de repérer le plagiat plus aisément à l’aide des banques de données. L’étude de Pascal Guibert et Christophe Michaut révèle des chiffres qui prouvent qu’au lieu de s’attaquer au copier-coller (forme la plus répandue du plagiat), des mesures de sensibilisation doivent être prises dès qu’un étudiant commence à écrire.
Statistiques de l’étude de Guibert et Michaut sur les étudiants universitaires
81,2 % n’ont jamais lu les documents disciplinaires
34,5 % copient un texte et le présente comme le leur (copier-coller)
16,4 % copient le texte ou les idées d’un collègue 8 % déclarent copier très souvent un texte