C’est fait : il est élu. Celui qui viendra nettoyer les esprits poussiéreux, celui qui ramènera les brebis égarées au bercail. Il est élu. Habemus Papam !
Non, je ne parle pas du pape François. Je parle bien sûr de M. Philippe Couillard, le nouveau chef du Parti libéral du Québec. C’est dans l’après-midi du 17 mars 2013, en pleine Saint-Patrick, que la fumée rouge est apparue.
Trêve de plaisanteries
Après neuf années au pouvoir, le Parti libéral s’est fait montrer le chemin des bancs de l’opposition officielle, le 4 septembre 2012. Dans cette chute, le Premier ministre Jean Charest n’a pas été épargné. « 9 ans à pied, ça u-se, ça u-se »…
Il fallait donc un nouveau chef. Une nouvelle vision. Un nouveau souffle. Ironiquement, c’est dans les anciens ministres libéraux que cet individu a été identifié. Celui qui est parti juste avant la tourmente, celui qui s’est magasiné un boulot au cabinet ministériel. Non, le Parti québécois ne l’a pas oublié et il se fera un plaisir de lui rappeler continuellement. D’autant plus que ce dernier se cherche désespérément un moyen de blâmer quelqu’un d’autre pour ses gaffes, par les temps qui courent.
Il y a aussi cette histoire d’amitié avec le Dr. Arthur Porter, sur qui il y a un mandat d’arrêt. On reproche à ce joyeux boute-en-train quelques petits écarts mineurs; fraude, complot pour fraude, fraude envers le gouvernement, abus de confiance, commission secrète et recyclage des produits de la criminalité. Tout ça pour une valeur d’environ 22,5M $. Quelques petits écarts mineurs, dis-je. Qui est Arthur Porter ? C’est un membre à vie du Conseil de la Reine à qui on avait confié le mandat de mener à terme le projet du système de santé McGill. Un protégé de M. Harper, une bonne connaissance d’affaire de M. Couillard. Bien sûr, ce joyeux luron a décampé aux Bahamas où il s’est auto-diagnostiqué un cancer.
Ça ne fait pas de M. Couillard un mauvais gars, j’en conviens. Mais vous le savez comme moi: la politique a la fâcheuse habitude de s’occuper beaucoup plus de l’individu qui parle que ce que dit l’individu qui parle. Et comme la fameuse ligne de comm. est d’une importance capitale en politique, bien entendu, le PQ ne se gênera pas pour ramener cette amitié inconfortable sur la table. La CAQ non plus. Québec solidaire non plus. Il semble cependant qu’Option nationale ait mieux à faire, comme proposer des idées concrètes. Ce qu’ils sont marginaux, des fois,
les progressistes…
Vous ai-je dit qu’il a pratiqué la neurochirurgie en Arabie Saoudite, là où l’argent dicte qui se fait opérer en premier… et où le sexe compte pour encore plus dans l’ordre des ceuzes et ceuzesses qui se font opérer ? Pas certain que le Parti québécois l’a oublié, celle-là.
Maintenant qu’on a souligné au feutre fluorescent les potentiels problèmes que M. Couillard peut rencontrer dans sa route vers le siège qu’il convoite au parlement, on peut aussi souligner ses qualités. Plusieurs le décrivent comme « le bon Dr. Couillard », l’homme réconfortant au regard de Père Noël, cet homme qui ne peut vouloir de mal à personne. C’est aussi, selon plusieurs, un brillant orateur posé et pragmatique, un homme qui sait changer quelqu’un qui est entré dans la salle en étant péquiste en bon libéral en un claquement de doigts. Soyons honnêtes: c’est tout sauf un taré. Il a un sens de la répartie assez étonnant et un calme désarmant. Quand il sourit, on sent qu’il est sincère.
Par Toutatis ! J’étais censé vous parler de politique et de ses idées, n’est-ce pas ?!
Bien le voilà, le hic. Durant la course au leadership au Parti libéral, on a senti Dr. Couillard hésitant, comme s’il ne voulait pas froisser les troupes qui peuvent le pousser au sommet de l’échiquier politique. Tant et si bien que les idées qu’il a mises de l’avant, ici et là, ont été repoussées par l’homme lui-même, quelques jours plus tard. « Oh !, je crois que le loi 101 devrait en effet s’étendre aux PMEs », a-t-il dit. Avant de se rétracter. « Bip, bip, bip ! », ironiserait Jean Charest.
On l’a aussi vu faire une petite saucette dans la piscine au pH élevé de la question nationale. Oui, il a l’intention que le Québec signe un jour la constitution de 1982. Celle qu’aucun Premier ministre après Lévesque n’a voulu entérinée, même les libéraux. Route glissante ? Bien entendu. Mais M. Couillard a eu l’audace d’être clair à ce sujet : « Un jour, il faudra trancher », a-t-il mimé. Reste à savoir de quelle manière il veut bonifier les conditions pour l’entrée du Québec dans la constitution canadienne… ou s’il demandera aux québécois leur avis avant de la signer.
Justin ! T’en penses quoi, d’une renégociation de la constitution ? Et toi, Thomas ? Ah !, Stephen : on a pas demandé ton avis.
Reste que M. Couillard aura fort à faire à la tête du Parti libéral. Il lui faudra d’abord rebâtir le membership du parti qui a fondu à moins de 45 000 voix. Il lui faudra aussi rebâtir les ponts coupés avec les bandes de Bachand et Moreau. Il lui faudra convaincre l’électorat francophone – pour qui le PLQ a des appuis anecdotiques – que le Parti libéral est encore celui du « Maître chez Nous ».
Il lui faudra rebâtir une flotte de candidats décimée par le Printemps Érable. Il lui faudra se faire élire lui-même pour pouvoir siéger au Parlement. Il lui faudra trouver un bon candidat pour être le porte-parole économique du parti. Car ne vous méprenez pas: Bachand ne restera pas dans les parages bien longtemps.
Ironique, non ? Le parti de l’économie sans un seul champion de l’économie dans ses 50 députés. Ce que la politique a de l’humour, des fois.
On souhaite tout de même la meilleure des chances à M. Couillard. Comme dirait l’autre : « on verra( t ) ».
Jérôme Boucher
@jeromelboucher