Il y a des moments où ce qu’on pense sur un sujet nous semble tellement évident qu’il y a une certaine surprise à constater qu’on est finalement loin du consensus social. C’était mon cas pour l’exportation du pétrole albertain (provenant des sables bitumineux) vers le Québec. C’est en effet avec une certaine perplexité que dans les derniers jours, j’ai entendu des voix s’élever pour défendre ce projet de la compagnie Enbridge, la fameuse Ligne 9, qui ferait passer du pétrole albertain dans la Belle Province.
«Ce serait bon pour l’économie» disaient plusieurs. «Les gens qui sont contre ça présentement sont des dogmatiques et des radicaux» disaient d’autres. Même que chez certains politiciens de l’Assemblée nationale, en passant par quelques chroniqueurs, on se gardait une petite gêne d’être trop en faveur du projet avant le résultat d’une étude d’impacts économiques et écologiques (bientôt tenue), mais on se permettait de ridiculiser ceux qui s’y opposaient. Mais même sans les résultats de l’étude que tiendra le Québec, il me semble que le gros bon sens nous donne déjà quelques indications importantes sur les conséquences d’un tel projet de pipeline.
Tout d’abord, économiquement, si vous pensiez payer votre essence moins chère, désolée, mais non. Que le pétrole ait pour origine une province voisine, l’Algérie ou l’Arabie Saoudite, cela n’a aucun impact sur ce que vous payez. Le prix du pétrole est fixé par la Bourse de New York. Le prix du baril ne pourra donc pas descendre, peu importe la provenance de la ressource.
Également, et probablement le plus important à retenir dans ce projet, c’est que cela serait écologiquement douteux. Il y a premièrement le fait que le Québec depuis de nombreuses années exprime un malaise avec les sables bitumineux. Oui, de nombreuses années. Pas seulement depuis le moment où Daniel Breton, ce «radical environnementaliste», est devenu ministre de l’Environnement. Jean Charest lui-même, alors qu’il était premier ministre, avait pour sujet de litige avec l’Alberta les conséquences environnementales de l’exploitation des sables bitumineux. Il serait donc assez ironique après ces années de malaise que le Québec en laisse venir la source sur son territoire.
En terminant, petit retour sur la déclaration du ministre de l’Environnement qui s’est écrié : «Est-ce qu’on est maître chez nous ou pas maître chez nous sur notre territoire, c’est ce qu’on va voir!», concernant la possibilité de voir l’or noir albertain traverser notre territoire pour rejoindre l’Est. Il serait facile pour les critiques de réduire le malaise du gouvernement du Québec à une question de gouvernement souverainiste qui veut affirmer son indépendance ou qui n’aime pas le Canada et le reste de ses provinces. Il serait pertinent pour ne pas tomber dans ce piège de se rappeler que dernièrement Barak Obama a lui-même refusé la construction du pipeline albertain Keystone XL qui aurait traversé la frontière canado-américaine. De plus, la Colombie-Britannique résiste toujours, à ce jour, à un projet similaire.
Rosalie Readman