L’hypocrisie administrative des cours en ligne

J’ai sourcillé une fois, puis deux, lorsque le Journal de Québec nous apprenait la « triste » situation de plusieurs étudiant(e)s inscrit(e)s au premier cycle à l’Université Laval, forcé(e)s de suivre une partie de leur baccalauréat en ligne.

C’est que cet enjeu fait réagir bon nombre d’étudiants au sein de plusieurs instances universitaires depuis plusieurs années. Les raisons de s’inquiéter de ce virage sont tout aussi multiples. Du côté de l’administration, on se défend de vouloir élargir le bassin d’étudiant(e)s et ainsi augmenter l’accessibilité universitaire.

Il ne suffit pourtant pas de réduire les distances physiques pour que soudainement, les portes du Savoir s’ouvrent bien grand.

Une fausse bonne idée

Bien que les plateformes numériques favorisent dans beaucoup de cas la communication – particulièrement pour les personnes ayant de la difficulté à prendre la parole devant un groupe – notamment à travers les forums, l’expérience en classe n’est pas à négliger dans le processus d’apprentissage. Une classe est une « situation », un « moment » dans la trajectoire des personnes qui sont inscrites à un cours. La composition d’un groupe, pour un même cours, fera varier les contextes d’apprentissages, entre autres par des échanges avec le personnel enseignant. Ce dynamisme se rapproche de la « vraie vie », qui ne peut se dérouler en vase clos.

Dans sa forme en ligne, le savoir se rapproche toujours un peu plus du statut de marchandise, qu’on a enfin pu sortir du contexte figé de sa production. Cela offre de nombreux avantages, mais éloigne peu à peu les étudiants d’un statut social lié à leur réalité. D’étudiant sur un campus, on devient consommateur de cours à partir de chez soi. Dans un contexte compétitif et productiviste, on imagine rapidement la surenchère apparaître. Cela me semble aux antipodes d’une meilleure accessibilité.

Parlons aussi du contenu des cours et des activités d’évaluation. Je reconnais d’emblée que plusieurs formats de cours en ligne existent, et que plusieurs professeurs travaillent d’arrache-pied pour constamment améliorer ces expériences. Un cours en classe de 45 heures se transforme toutefois en quelques heures de capsules vidéos, sans possibilité d’interagir directement. Aussi, par une simple touche de clavier, toute l’information est accessible (et je ne parle même pas de ce qui se trouve sur internet ) et transcrivable dans les évaluations, sans avoir à l’intérioriser. Quelle valeur – et je ne parle pas de celle qui se mesure en compétition avec les autres sur un marché – aura une telle formation ? 

La vache à lait des parents pauvres

Les cours en ligne rendent par ailleurs saillante la question du financement universitaire. Dans un modèle par tête où les facultés sont appelées à se cannibaliser pour attirer des étudiant(e)s – qui leur garantissent un financement – l’augmentation des inscriptions représente une manne d’argent à ne pas laisser filer entre ses doigts.

Vous voulez une idée du déséquilibre ? À la Faculté des sciences sociales, un(e) étudiant(e) en classe rapportera un peu moins de 50$ dans les coffres de son département. Pour un cours en ligne, cette somme passe à 168$ (56$ par crédit).

Dans le contexte, il n’y a alors aucune surprise : seulement une réalité structurelle qui fait de l’éducation une marchandise. En pleine continuité avec le néolibéralisme, chaque entreprise-personne est un capital à faire fructifier, pour elle-même, et pour les institutions auxquelles elle se rattache.

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