La force de #MoiAussi est tellement grande et belle. Quand on y pense, ces mots-clics ont fort probablement réussi à convaincre des femmes et des hommes d’enfin parler d’harcèlement et de violence sexuelle. Quand ça concerne en plus deux piliers du milieu culturel, que sont Éric Salvail et Gilbert Rozon, le défi est immense, et c’est d’autant plus courageux de dénoncer.
Ce sont ses amis, ses collègues et les phrases de solidarité accompagnant les nombreux statuts sur la toile qui ont poussé Marlène Bolduc, une victime jusqu’ici toujours « présumée » de Gilbert Rozon, à enfin parler de ce qui lui est arrivé. Imaginez le challenge, la pression et l’enjeu personnel, quand on connait l’influence de la personne dans l’espace public. Tant mieux si Facebook a pu faciliter tout ça. Bravo à tout le monde.
Continuez de raconter, de dire et d’inspirer avec ce mouvement. Je me dis que, si enfin, au-delà des nombreux efforts qu’on peut mettre en prévention et en sensibilisation sur les campus notamment, on réussit à rejoindre les victimes dans leurs milieux et leurs réseaux, on vient de toucher une très belle manière de promouvoir la dénonciation sur tous les toits. On vient enfin de comprendre comment inciter à discuter de manière efficace, sans pression.
Au final, malgré tout ce qu’on peut entendre comme quoi #MoiAussi est un mouvement qui ne va nulle part, qui cherche la popularité ou qui « brasse du vrai et du faux », le fait est que les gens en parlent enfin, et qu’on obtient des résultats tangibles.
On peut enfin imaginer que le nombre de dénonciations va augmenter, et que les victimes trouveront tribune pour s’exprimer. On peut enfin se dire qu’autour de nous, il y a une solidarité palpable, et que mon ou ma collègue va me comprendre. On peut enfin lier une réalité à une autre.
Non, les réseaux sociaux ne font pas la justice. Non, ils n’ont pas à condamner ou à décider de la vérité. Or, ils peuvent être catalyseurs d’une effervescence sociale envers tout ce que la société a toujours voulu : ouvrir les canaux de communications pour les victimes et les personnes souhaitant parler librement de violences sexuelles.
L’action aussi
En discutant avec mes collègues, amis et membres de ma famille, je réalise qu’au fond, il faut que le mouvement #moiaussi continue de grandir vers quelque chose sur le terrain, quelque chose de tangible, de concret.
Il faut que toutes ces dénonciations se transposent dans la réalité, tellement leur force est grande actuellement avec tout ce qui se passe.
C’est le moment ou jamais de sortir devant nos politiciens et de demander des vraies campagnes de sensibilisation, des grandes activités de promotion du consentement par exemple, et des ateliers concrets de prévention dans les écoles, sur ce qu’est le harcèlement, une notion si mal comprise par moments.
Faisons de #moiaussi un mouvement qui dépasse les frontières des réseaux sociaux, puisque jusqu’ici, l’impact que nous créons ensemble est tout simplement magnifique à voir.
Cessons toutefois les amalgames
Déjà, sur mes réseaux, je vois apparaître des commentaires cinglants et cruels, dont certains qui sont clairement homophobes, critiquant par exemple le milieu « sexuel » et « wild » qu’est la communauté homosexuelle. C’est une grave erreur de compréhension!
Les allégations rapportées contre Éric Salvail rappellent au contraire une chose : les hommes, eux aussi, peuvent être victimes d’harcèlement sexuel. En fait, tout le monde peut l’être, de toute classe sociale, de tout sexe et de toute condition.
Cessons de vouloir catégoriser les individus en apposant une étiquette sur le groupe auxquels ils appartiennent. Intégrons-les plutôt à notre collectivité.
Dès maintenant, cessons également de comparer des dossiers comme celui de Joël Legendre à celui d’Éric Salvail. Des amalgames de la sorte m’indignent, car ils ne font que démontrer que, en tant que citoyens, nous n’avons pas compris ce qu’est le concept d’harcèlement sexuel.
Au clair, Legendre a posé un geste indécent devant un policier civil, dans un parc. Certes, c’est condamnable. Or, depuis, il a payé sa peine, autant financièrement que médiatiquement, et a dû sortir de la communauté artistique pendant plusieurs mois. On peut ici parler d’un geste isolé, commis et fortement regretté probablement.
Or, de son côté, Éric Salvail dirige une boîte de production, Salvail & Co., qui supervise de nombreuses émissions télévisées influentes au Québec. Au sein de ces milieux artistiques, son attitude déplacée et ses commentaires harcelants ont perduré selon pas moins de 11 dénonciations. Ce n’est pas du tout la même chose. On parle ici d’un phénomène global, et non d’un cas isolé.