Dans le cadre d’un séminaire au début de ma maitrise, j’ai fait beaucoup de recherche sur la fondation de la petite ville industrielle d’Arvida, au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Profitant de la faillite d’Alfred Dubuc, ayant fait son or avec la pulpe de papier dans la décennie précédente, l’américain Arthur Vining Davis fait l’acquisition à bas prix d’installations portuaires et de chemins de fer et fonde son aluminerie, Alcan, toujours au cœur de l’économie de la région aujourd’hui.
Autour des années 20, au Québec, mais aussi au Canada, il est important de rappeler que les industriels bénéficiaient de politiques publiques pour le moins favorables. Cherchant à développer le potentiel des régions ressources, les gouvernements de King au Canada et Taschereau au Québec, donnaient (ou presque) la ressource première au pays à l’époque : l’hydro-électricité.
Réfléchissons maintenant aux redevances minières. Si ce n’était que du 0,01 $/tonne «négocié» par Maurice Duplessis dans les années 50. Toutefois, les tentatives subséquentes des gouvernements de légiférer– le plan Nord des libéraux, et le nouveau modèle de redevances péquiste – ont lamentablement échoué à rééquilibrer ce secteur de l’industrie.
Autre exemple issu de mes recherches : la mine Seleine, aux Iles de la madeleine. Les travaux de construction ont été réalisé par nulle autre que la société québécoise de l’exploitation minière au cout de 125 millions de dollars dans les années 80, alors que cette mine est maintenant une filière d’une multinationale allemande de l’industrie du sel.
Sans oublier que ces industries nécessitent aussi l’ouverture et l’entretien de routes, voire de villages entiers. Une fois les ressources épuisées, ces infrastructures tombent à l’abandon, et reviennent sous la responsabilité des décideurs publics.
On pourrait finalement parler de la mise en place du complexe agro-industriel, ayant, en quelques années, transformé complètement le paysage agricole québécois. D’une agriculture de subsistance familiale distribuée dans des réseaux locaux d’échange, on est entré dans le marché mondial de la monoculture à grande échelle à coups de législations. En quelques années, la hausse résultante du foncier agricole et de la valeur des quotas ont rendu impossible, voire illégal, une production non-industrielle.
Les vrais BS
On poursuit ? Le gouvernement du Québec ne se gênait pas pour financer la relance de Bombardier, injectant un milliard de dollars dans l’entreprise en 2015. Comble de l’insulte, les dirigeants se votaient des bonis de performance quelques semaines plus tard. C’est ce que j’appelle de l’assistance sociale.
La beauté, pour ces «BS de luxe», c’est que la plupart d’entre eux détiennent les moyens financiers de s’extraire de l’impôt par différentes stratégies. On parle souvent des paradis fiscaux, mais on pourrait aussi soulever l’iniquité dans le fait de soi-même choisir dans quoi on place nos points d’imposition via des dons déductibles, et d’en recevoir le crédit médiatique par la suite. P.K. Subban et Jacqueline Desmarais ne sont pas que deux joyeux philanthropes.
Et c’est là qu’en tenant compte des sommes minimes que représentent l’aide sociale et du fait que les situations frauduleuses sont beaucoup plus rare que nous laissent croire certains commentateurs, que j’en arrive à la conclusion qu’un changement de paradigme est nécessaire. Au nom de le « création d’emplois » et du «progrès», on dilapide des fonds publics dans la mise sur pied de projets privés. La ville de Québec en porte la marque aux abords de l’autoroute laurentienne et du boulevard Hamel, et en éponge les déficits en attendant patiemment les Nordiques.
Bien que je ne nie pas les retombées économiques des emplois ainsi créés, je m’inquiète des marges de profits et des effets sur nos milieux de vie. Sans investissements publics, le privé s’effondre de manière cyclique tous les huit à dix ans. Sans employés, c’est le profit lui-même qui disparait. Qui vit au crochet de qui ?