Vendredi après-midi dernier, un astéroïde géant est passé à 27 600 kilomètres de la Terre, ce qui est relativement proche à l’échelle spatiale ( un dixième de la distance Terre-Lune, ou le double de notre diamètre terrestre). Pourquoi n’exploiterions-nous pas ce dinosaure de 135 000 tonnes, entièrement composé de roches, de métaux et de glace, afin de peut-être y découvrir des minerais rares et des sources d’énergie? C’est le pari qu’ont pris au moins deux entreprises américaines: Planetary Resources et Deep Space Industries. Selon cette dernière firme, l’astéroïde baptisé 2012 DA14 qui est venu frôler la Terre vendredi dernier pourrait valoir 195 milliards $ américains.
Valérie Désyroy
L’envoi de carburant, d’eau et de matériaux nécessaires à l’exploration de l’espace demeure affreusement cher: au moins 10 millions $ par tonne, même en utilisant de nouveaux lanceurs à faible coût qui seront bientôt disponibles.
Si les satellites de communication et les missions avec équipage à destination de Mars pouvaient se servir directement dans l’espace, la recherche ne serait plus freinée par cette pression financière énorme. Rick Tumlinson, président de la Deep Space Industries ( DSI ), explique que c’est la seule façon de pouvoir assurer un développement spatial durable. Il soutient que les astéroïdes pourraient s’avérer être une solution idéale.
Potentiel économique majeur
2012 DA14 aurait pu valoir environ 195 milliards $, si son orbite avait été différente. Sa trajectoire était inclinée par rapport à la Terre, et chasser l’astéroïde vers le bas pour rendre possible l’exploitation minièrenécessitaittropd’énergie. «Malheureusement, nous ne pourrons utiliser les ressources de notre visiteur cette fois-ci, mais il y en aura d’autres, et si l’un d’entre eux possède une orientation satisfaisante, nous voulons être prêts», lance M. Tumlinson. En effet, plus de 900 nouveaux astéroïdes passent près de la Terre chaque année.
Quelle valeur un astéroïde exploitable peut-il bien représenter? Selon les experts de la DSI, si 2012 DA14 contient aussi peu que 5 % d’eau récupérable, cette eau utilisée comme carburant à fusée représente jusqu’à 65 milliards $. Si on ajoute à ceci 10% de fer, de nickel et autres minerais pouvant être utilisés pour des matériaux de construction, la valeur pourrait grimper jusqu’à 130 milliards $ supplémentaires.
Et même si les nouveaux lanceurs réutilisables permettaient de faire chuter le prix des envois de 20%, un astéroïde comme 2012 DA14 représenterait tout de même environ 39 milliards $.
C’est pourquoi le PDG de la DSI, David Gump, qualifie actuellement ces astéroïdes de véritable «oasis de l’espace». Dans un communiqué de presse, il déclarait que «ces objets célestes pourraient être aussi importants pour la conquête de l’espace que l’ont été les gisements de minerais de fer du Minnesota pour l’industrie automobile de Detroit au siècle dernier ».
Le plus gros à frôler la Terre d’aussi près !
2012 DA14 a été identifié en février 2012, et est demeuré 32h dans notre système Terre-Lune. L’astéroïde est entré le 14 février à 22h (heure locale), et en est ressorti le lendemain vers 7 h. Il est passé si près de la Terre que par moments, sa distance était inférieure à celle de nos satellites. On a même pu l’apercevoir aux jumelles !
Mais si sa trajectoire était bien documentée, le corps céleste, lui, reste beaucoup plus flou. Les incertitudes principales concernent son diamètre et sa composition. La taille des astéroïdes est étudiée grâce à la réflectivité de leur surface. Si l’objet est sombre, c’est que l’objet est gros: il réfléchit énormément de lumière. Malheureusement, la réciproque ne s’applique pas: ce n’est pas parce qu’un astéroïde est petit qu’il ne peut refléter beaucoup de lumière.
Quant à sa composition, on estime que le rocher est essentiellement de nature pierreuse, mais qu’il pourrait grandement varier dans la quantité d’eau et les métaux qu’il contient. Stephen Covey, directeur de la recherche chez DSI, pense que 2012 CA14 serait un astéroïde de type L, une classe qui reflète environ 20% de lumière. En conséquence, son diamètre approcherait les 50 mètres.
Science-fiction ou réalité ?
La firme américaine évaluera les prochaines cibles prometteuses en vue de leur exploitation, à l’aide de petites sondes spatiales de 25 kilos, les « FireFlies ». On prévoit le premier envoi d’ici deux ans, pour des travaux d’une durée de quelques mois. Les ren-
seignements obtenus permettront de croiser les informations et les lectures prises par nos télescopes terrestres. Cette première étape sera suivie de l’envoi des « DragonFlies », qui rapporteront des échantillons. DSI vise 2020 pour le début des premières exploitations minières.
La firme déclare qu’il n’y a pas de science-fiction dans son projet, que la physique fonctionne, et qu’il n’y a aucune technologie prévue dans son plan d’affaires qui n’est pas déjà réalisée à travers plusieurs laboratoires partout sur la planète.
On peut cependant se questionner concernant les aspects légaux que de telles avancées scientifiques supposent. En 1967, le Traité international de l’espace assure une liberté d’accès des États à l’espace extra-atmosphérique. Néanmoins, rien n’est ratifié concernant des droits commerciaux futurs.
«L’espace est grand, il y a de la place pour tout le monde », conclut Tumlinson.