Visite par des étudiants du complexe minier du Grand Sudbury. Photo par Ludovick Bernier-Michaud

À quoi ressemble l’avenir minier au Québec?

Le 9 octobre dernier, on apprenait que le géant de l’aluminium Rio Tinto a mis la main sur la moitié de Nemaska Lithium en rachetant la compagnie américaine Arcadium Lithium; une transaction de 6,7 milliards de dollars américains. L’autre moitié de Nemaska lithium appartenait déjà au gouvernement du Québec. Cet achat place le Québec en très bonne position dans le marché futur du lithium, élément essentiel à la transition énergétique en raison de son importance dans la production de batteries. À la suite de cette annonce, j’ai voulu en apprendre davantage sur l’industrie minière au Québec. Pour ce faire, j’ai eu la chance de m’entretenir avec Georges Beaudoin, professeur au département de génie géologique à l’Université Laval, spécialisé en métallogénie et membre du centre E4m, le centre de recherche sur la géologie et l’ingénierie des ressources. C’est donc entre bonnes mains que j’ai obtenu une mine d’informations – permettez-moi le jeu de mots – .

Par Marie Tremblay, journaliste multiplateforme

Un rôle économique important

Il ne fait aucun doute que l’industrie minière est un pilier économique au Québec et au Canada. Comme me l’expliquait M. Beaudoin, il existe une relation quasi linéaire entre le potentiel de trouver des ressources minérales et la taille de la masse continentale. De plus, sur un si grand territoire, nous avons des environnements géologiques diversifiés qui permettent d’extraire différents minéraux. En effet, le sol québécois contient du cobalt, du lithium, du cuivre, du graphite, des terres rares et des éléments du groupe platine. Ils sont tous regroupés dans la catégorie « minéraux critiques et stratégiques (MCS) » par le ministère de l’Agriculture, de l’Environnement et des Ressources naturelles, en raison de leur influence sur la transition énergétique.

C’est bien beau avoir des voitures électriques, encore faut-il fabriquer les batteries pour les faire avancer. Le lithium, le nickel et le cobalt sont des minéraux indissociables de la fabrication des batteries de moteurs électriques, mais il ne faut pas oublier que l’industrie minérale va bien au-delà de l’extraction.

Beaudoin détaille les multiples volets qui forment le portrait actuel de l’industrie : l’exploration minière, l’exploitation, le traitement du minerai, l’évaluation des impacts environnementaux, la restauration des sites, l’entreposage sécuritaire des résidus miniers et la communication minière. En termes d’emplois, cela inclut notamment des génies géologiques, miniers, métallurgiques, informatiques, chimiques, civils, électriques, mécaniques, des biologistes, des écologistes… Toutes des formations enseignées, ici, à l’Université Laval.

Les universités Polytechnique et McGill forment aussi les professionnel.les de demain dans ce domaine. Ludovick Bernier-Michaud, étudiant en génie minier à l’Université McGill, me raconte que l’intérêt des compagnies minières pour les étudiant.es sort du commun : « C’est un domaine extrêmement important, mais il manque énormément de main-d’œuvre. Les compagnies offrent des opportunités et des conditions incroyables, elles veulent montrer pourquoi travailler pour eux est mieux qu’ailleurs. ».

Une industrie mal aimée?

 

Des mineurs prenant leur lunch dans une mine de l’Abitibi en 1940. Creative Commons (BY-NC-SA) / Auteur inconnu /

« C’est une perception que les gens ont dans la société, peut-être renforcée par certains acteurs publics, d’une industrie qui est sale, qui ne se préoccupe pas de l’environnement, et puis qui pille les ressources. […] Il faut reconnaitre que, jusque dans les années cinquante, soixante, c’était encore assez difficile au niveau des relations de travail, au niveau du traitement des employés, puis au niveau de l’environnement. Soixante ans plus tard, je peux vous dire que la situation a beaucoup changé », me répond M. Beaudoin.

Ce que je comprends, c’est surtout que les valeurs de l’industrie ont changé : il y a un souci réel pour la santé et la sécurité des employé.es, pour les impacts environnementaux et pour les liens entretenus avec les communautés impactées.

D’abord, sur la scène internationale, le Québec se démarque par l’encadrement de l’exploitation minière. Les normes sur la protection de l’environnement sont fortement encadrées par le gouvernement dans une vision de développement durable. L’industrie minière québécoise est avantagée sur son bilan carbone grâce à l’hydroélectricité. Les compagnies peuvent donc se concentrer sur le développement de solutions innovantes pour baisser leur empreinte carbone. Professeur Beaudoin a lui-même participé à un projet visant à capter le CO2 dans l’air avec des résidus miniers.

Par ailleurs, l’article 232.1 de la loi sur les mines stipule que les sites d’extraction doivent être remis dans leur état initial au frais des compagnies, à la suite de leur utilisation. M. Beaudoin m’assure que c’est une mesure respectée : « Le gouvernement exige une garantie financière équivalente au coût de restauration du site minier lors de l’émission du certificat d’autorisation ».

Ensuite, les conditions de travail dans les mines se sont grandement améliorées avec l’arrivée des technologies. Présentement, la communication dans les mines se fait grâce à des réseaux 5G sous terrain et de surface qui permettent de géolocaliser le personnel en temps réel, en plus de connecter les appareils. Et bien sûr, les salaires sont assez compétitifs.

Et pour l’avenir?

M. Beaudoin souligne que l’industrie minière n’offre pas des métaux, elle répond à une demande. Là est toute la différence. Le mode de vie que nous connaissons aujourd’hui est extrêmement dépendant des activités d’extractions, comme le sera notre société dans l’avenir. Il est impensable d’imaginer un avenir sans l’industrie minérale. Comprendre davantage la vaste étendue de l’extraction minière, au-delà du forage d’énergies fossiles, permet de percevoir l’industrie minière comme une alliée, plutôt qu’une ennemie.

 

Références

Arsenault, J. et Bergeron, U. (2024). Après l’aluminium, le lithium québécois. La Presse. https://www.lapresse.ca/affaires/apres-l-aluminium-le-lithium/2024-10-09/lithium-quebecois/apres-l-aluminium-le-lithium.php

Gouvernement du Québec. (s.d.). Minéraux critiques et stratégiques. https://www.quebec.ca/agriculture-environnement-et-ressources-naturelles/mines/mineraux-critiques-et-strategiques#

LégisQuébec. (s.d.). Loi sur les mines (M-13.1). https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/m-13.1

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