C’est ce qu’affirme une équipe de chercheurs américains dans un article paru le 17 janvier dernier dans la prestigieuse revue Sciences. Ces derniers déclarent avoir réussi à déterminer l’identité de près de 50 personnes, qui avaient soumis des informations génétiques dans le cadre d’une étude scientifique. Les donneurs d’échantillons avaient été prévenus que leur identité serait préservée via des processus d’anonymisation. Néanmoins, il semble que pour certaines de ces personnes, les informations supprimées ainsi que les dispositifs de sécurité n’aient pas été suffisants, rendant ainsi l’identification des participants possible.
Valérie Désyroy
Le public et la communauté scientifique sont extrêmement préoccupés par la protection des données génétiques, puisqu’il est reconnu que l’ADN représente le « facteur d’identification ultime». Par conséquent, on pourrait craindre des actes de discrimination contre les donneurs par les assureurs, les employeurs, ou d’autres groupes.
Débat éthique
Il existe une grande zone grise entre le besoin de rassembler et de partager des données génétiques afin de transférer des connaissances médicales, et le fait de devoir assurer la protection maximale de ces informations étant donné la nature extrêmement délicate et le potentiel de risque d’atteinte à la vie privée
qu’elles comportent.
L’utilisation croissante de séquençage génétique rend la situation encore plus délicate, car ces informations révèlent non seulement des informations sur une personne, mais également sur ses parents ou ses frères et sœurs.
De plus, les questions de protection de la vie privée ne se limitent pas à la protection d’échantillons, mais vont plus loin: qu’en est-il des informations financières, de l’âge, du mode de vie, du groupe social et des autres renseignements accompagnant les
données génétiques ?
La commissaire adjointe à la protection de la vie privée du Canada, Chantal Bernier, déclarait dans son commentaire, à l’occasion de la 23e conférence de Privacy Laws and Business, que ces informations supplémentaires étaient souvent « inexactes, trompeuses et parfois, nuisibles ».
La commissaire prend la position suivante concernant les biobanques médico-légales ainsi que la recherche génétique en général: la cueillette de l’ADN est, en soi, une atteinte à la vie privée ( par exemple, recueillir des cellules laissées sur un siège d’aéroport ). Néanmoins, elle peut être accréditée lorsque l’intérêt public d’une telle démarche est démontré et qu’elle répond à des règles strictes et
clairement définies.
Identités des donneurs du projet 1000 Genomes révélées
Dans la publication du journal Science, les chercheurs dirigés par le Whiteheah Institute for Biomedical Research à Cambridge ont utilisé les séquences d’ADN collectées dans le cadre du projet 1 000 Genomes. Cette collaboration internationale est à l’origine de la publication d’un catalogue d’informations génétiques provenant d’au moins 1000 personnes de différents groupes ethniques et milieux
socio-économiques.
Les données anonymes de ce catalogue étant publiques sur Internet, les chercheurs ont utilisé un algorithme informatique se concentrant sur l’identification des marqueurs génétiques uniques du chromosome Y des hommes ayant collaboré au projet.
En fouillant par la suite dans les bases de données généalogiques publiques contenant à la fois des informations du chromosome Y et des noms de famille, les chercheurs ont pu parvenir à faire cinquante combinaisons d’hommes et femmes ayant participé à diverses
études génétiques.
En effet, ces sites de généalogie contiennent parfois certaines données du chromosome Y, que les gens joignent dans le cadre de leurs recherches généalogiques, dans l’espoir de réussir à remonter les générations. Une fois un « match » génétique trouvé, les chercheurs ont pu recueillir des données sur l’arbre de la famille de chacun des individus, y compris des nécrologies, et retrouver plusieurs parents proches
ou lointains.
Ils ont estimé que leur technique aurait un taux de succès aussi élevé que 12 % pour l’identification d’hommes de race blanche aux États-Unis dans des études d’ADN similaires. Toutefois, les noms des donneurs d’ADN qu’ils ont pu identifier n’ont pas été révélés.
Cette inquiétante démonstration ne semble toutefois pas remettre en question la confidentialité des données recueillies par la biobanque québécoise Cartagène, qui avance que les chercheurs américains avaient accès à des données génomiques publiques sur Internet, ce qui n’est pas le cas concernant l’accès à Cartagène.