Engraisser nos bactéries pour maigrir

Depuis quelques années, l’engouement pour les produits alimentaires auxquels on a ajouté des oméga-3, des probiotiques ou des vitamines D est déroutant. Les travaux en laboratoire démontrent clairement qu’en quantité suffisante, ces aliments ont de réels effets bénéfiques sur la santé. Dernièrement, des petits nouveaux, les prébiotiques, ont fait leur apparition sur les étalages des épiceries. Pré et pro… quelle est la différence?

Nos amies les bactéries
Une bonne digestion est souvent synonyme de bonne santé. Notre intestin agit un peu comme un pont entre l’extérieur et l’intérieur du corps humain. Il est peuplé d’environ 100 000 milliards de bactéries, pour la plupart inoffensives. Ces bactéries stimulent le système immunitaire et aident notre corps à s’approvisionner de certains nutriments telles les vitamines et les fibres.

Les probiotiques sont des bactéries, bonnes pour la santé, que l’on ajoute à certains aliments, le yogourt et les céréales par exemple. Ils exercent un effet bénéfique sur la digestion des individus qui les consomment. Bifidobacterium et Lactobacillus sont de fiers représentants de ce genre microbien, bien utile à l’être humain. Cependant, pour qu’elles soient efficaces, ces bactéries ont besoin de manger elles aussi. C’est là que les prébiotiques entrent en jeu. Les prébiotiques sont des glucides qui échappent à la digestion. Ils se retrouvent ainsi directement dans l’intestin, où ils servent de nourriture pour les bactéries probiotiques. L’inuline, que l’on retrouve naturellement dans la chicorée, l’ail, la banane et l’asperge, est un bon exemple de prébiotique. Dernièrement, plusieurs équipes de recherche se sont appliquées à connaître les vertus des prébiotiques. Ils ont découvert une petite mine d’or…

Les prébiotiques pour maigrir…

La flore intestinale se définit par les populations de bactéries et de levures qui la composent. Un régime alimentaire particulier s’accompagne d’une flore intestinale particulière. Par exemple, une diète riche en gras aura un impact sur la flore microbienne de l’intestin. En favorisant la croissance de bactéries probiotiques, les prébiotiques pourraient-ils limiter les dégâts liés à un apport exagéré de matières grasses? On le sait, l’obésité est un fléau qui gagne de plus en plus de terrain. Cette condition physique amène avec elle son lot de pathologies cardiovasculaires et parfois même, le diabète. Mais pas de panique! Les prébiotiques semblent pouvoir remédier à ce problème.

Le Dr Nathalie Delzenne, chercheuse à l’Université catholique de Louvain en Belgique, a récemment démontré que des rats soumis à une diète riche en gras, additionnée d’oligofructose, un dérivé de l’inuline, perdaient du poids et démontraient une diminution de la masse de tissus adipeux. «On a remarqué que ces rats restreignaient leur apport calorique. Ils ressentaient la satiété bien avant les rats qui n’ingurgitaient pas d’oligofructose», a expliqué Mme Delzenne lors du 5e Symposium international sur les probiotiques, qui avait lieu à Québec les 6 et 7 novembre derniers.

Le Dr Delzenne et son équipe ont voulu pousser leurs recherches un peu plus loin. Ils savaient déjà que l’obésité s’accompagne souvent d’une inflammation et de dommages tissulaires. «Chez les individus obèses, on assiste à une modification de la flore intestinale. On remarque une diminution de bactéries probiotiques telles que Bifidobacterium et une augmentation d’autres types bactériens, ceux-ci moins désirés, de même que des lésions au niveau des tissus», précise-t-elle. Elle a donc utilisé des souris qu’elle a soumises à un régime riche en gras avec ou sans oligofructose. Le dernier groupe de souris servait de groupe témoin: il recevait de la cellulose à la place du prébiotique. Alors que les souris du groupe cellulose démontraient autant de dommages que les souris soumises au régime riche en gras seulement, les souris qui ont ingurgité le prébiotique montraient un nombre augmenté de Bifidobacterium dans leur intestin et une restauration des altérations tissulaires. «L’inflammation était beaucoup moindre chez les animaux qui avaient un nombre beaucoup plus élevé de bactéries probiotiques dans leur tube digestif», a ajouté Dr Delzenne.

… et pour guérir
Comme l’obésité s’accompagne souvent de diabète, la Dr Delzenne a voulu vérifier si les prébiotiques pouvaient avoir un impact sur cette maladie. Elle a donc induit le diabète à un groupe de souris soumises à une diète supplémentée de prébiotiques. Elle a remarqué une augmentation de l’insuline et une régénération des cellules bêta, des cellules qui sont détruites lors de la maladie, dans le pancréas des souris. «Les prébiotiques agissent à plusieurs endroits. Ils restreignent le sentiment d’appétit dans notre cerveau, agissent sur le pancréas, sur l’intestin et sur le foie», a souligné la chercheuse.

Du laboratoire à la réalité
Des études chez l’humain montrent que les prébiotiques diminuent les lipides sanguins de même que la synthèse de lipides par le foie. Ils améliorent les symptômes d’une maladie du foie, la stéatose hépatique. Les prébiotiques augmentent la sensation de satiété et diminuent la prise alimentaire.

Trop, c’est comme pas assez!
Mais y a-t-il une quantité maximale de prébiotiques ou de probiotiques que l’on peut consommer quotidiennement? Jessica Wright, diététiste chez Danone Canada, affirme que «c’est comme n’importe quoi. Il ne faut pas en abuser.» Elle suggère deux petits contenants de yogourt par jour. «L’important, c’est d’en manger tous les jours. Les bactéries probiotiques colonisent l’intestin au bout de 14 jours. Si on arrête d’en consommer, elles disparaîtront», précise-t-elle. Les études scientifiques ne sont pas encore assez poussées pour affirmer, hors de tout doute, que ces produits supplémentés, que l’on retrouve de plus en plus en épicerie, n’ont aucun effet secondaire, s’ils sont ingurgités en trop grande quantité. Dernièrement, des études ont démontré qu’un surplus de vitamine D pouvait entraîner certains types de cancers. Comme quoi la modération a bien meilleur goût!

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