L’Étude des familles de Québec : un « success-story » lavallois

D’ambitieuses études sur l’apport de l’inné et de l’acquis dans l’obésité et la condition physique ont eu lieu ici même à l’Université Laval. Impact Campus vous propose de découvrir deux de ces imposants chantiers scientifiques. Cette semaine, l’Étude des familles de Québec.  

Maxime Bilodeau (@bilodma)

1977. L’Université Laval se relève d’une grève des professeurs entamée l’année précédente. Après plus d’une centaine de journées d’interruption de services, le corps professoral est de retour au boulot. La grogne règne et une certaine démobilisation se fait sentir. C’est dans ce contexte qu’arrive au Département d’éducation physique de l’époque Claude Bouchard, un jeune doctorant tout juste diplômé de l’Université du Texas à Austin.

« Le contraste était frappant : Claude débarquait avec ses idées de grandeur, prêt à soulever des montagnes », se remémore plus de 35 ans plus tard Angelo Tremblay, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en activité physique, nutrition et bilan énergétique et professeur au Département de kinésiologie de l’Université Laval.

Il poursuit : « Peu de temps après, il effectuait ses premières demandes de subventions et mettait en branle ce qui allait devenir l’Étude des familles de Québec. Le professeur de 24 ans nouvellement embauché que j’étais alors s’est tout naturellement proposé pour l’aider. C’est comme ça que tout a commencé. »

Un quart de siècle de science

Avec celui qui est aujourd’hui titulaire de la chaire John W. Barton en génétique et en nutrition et professeur au Département de génomique humaine du Pennington Biomedical Research Center à Bâton-Rouge en Louisiane, Angelo Tremblay recrute 375 familles nucléaires de la région de Québec. En plus d’être composée de deux parents, chaque famille comprend au moins deux enfants. À ceux-ci s’ajoutent des membres éloignés comme les tantes, oncles et neveux.

De 1978 à 1982, les deux chercheurs coordonnent l’évaluation des 1650 volontaires. Leur but : collecter des données qui leur permettront de tester des hypothèses quant à l’apport respectif des gènes et des habitudes de vie à divers aspects de la santé, dont la condition physique et la composition corporelle.

Claude Bouchard se souvient de la complexité de la tâche : « C’était très intensif en termes de ressources humaines. Il fallait du monde pour le recrutement des familles, la préparation à l’évaluation, l’évaluation à proprement dire, le traitement des données collectées, l’analyse des résultats. Vraiment, c’était toute une organisation! »

Prévue à l’origine sur une seule phase, l’Étude des familles de Québec est reconduite quelques années plus tard. Sur les 375 familles de la phase I, 105 reviennent pour une seconde batterie de tests. À ces dernières s’en ajoutent 74 nouvelles triées sur le volet. La science ayant évolué au fil des années, de nouvelles mesures enrichissent l’évaluation. La phase II s’étend de 1989 à 1997.

Une troisième et dernière phase a également lieu de 1998 à 2002.

12 000 citations plus tard

En date de janvier 2014, 276 articles scientifiques en tout ou en partie basés sur les données de l’Étude des familles de Québec ont été publiés. Au total, c’est plus de 12 000 citations et de 43 citations par article que ces derniers ont collectés.

L’article le plus populaire a quant à lui récolté 923 citations. C’est d’ailleurs à ce « citation-classic » que l’on doit l’utilisation de la mesure du tour de taille pour évaluer des risques liés à l’accumulation de graisse viscérale autour du ventre. « L’Étude des familles de Québec a grandement contribué à la venue au monde de cet indice qui est d’ailleurs de plus en plus utilisé », note Angelo Tremblay au passage.

Plus important encore, cette étude a contribué et contribue toujours à la formation d’une multitude de générations d’étudiants-chercheurs. Quantité de mémoires et de thèses ont été écrits, ou à tout le moins complémentés, à partir de la gigantesque base de données de l’Étude des familles de Québec.

« Plusieurs études intéressantes y prennent leurs racines. L’impact du calcium ou du manque de sommeil sur le poids sont deux exemples à ce chapitre, affirme Angelo Tremblay. Si vous saviez le millage qu’on a fait sur la question du nombre d’heures de sommeil par nuit! »

Selon Claude Bouchard, les raisons du succès de l’Étude des familles de Québec reposent en grande partie sur sa portée scientifique : « Elle a été la première étude de ce type au Canada à fournir des points de repère en ce qui a trait au rôle de l’hérédité et des habitudes de vie dans certains indicateurs de santé. »

Angelo Tremblay soutient quant à lui que c’est surtout grâce à la bonne camaraderie et à la loyauté entre ses principaux acteurs que cette étude doit son succès. « C’est vraiment un bel exemple de collaboration harmonieuse entre différents chercheurs ».

La semaine prochaine : HÉRITAGE, un autre grand chantier scientifique lavallois.

Auteur / autrice

  • Maxime Bilodeau

    Journaliste (beaucoup), kinésiologue (un peu) ainsi qu’amateur de sports d’endurance (jamais assez), Maxime œuvre au sein d’Impact Campus depuis 2013. Le journaliste-bénévole qu’il était alors a ensuite dirigé les Sports pour, finalement, aboutir à la tête du pupitre Société, une entité regroupant les sections Sports, Sciences & technologies et International. Celui qu’on appelle affectueusement le « gârs des sports » collabore aussi à diverses publications à titre de pigiste. On peut le lire entre autres dans Vélo Mag, Espaces, et L’actualité.

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