Saviez-vous que certaines fourmis entretiennent une relation particulière, voire dépendante, envers les champignons? Les fourmis attines, ou champignonnistes, sont de vraies agricultrices. Elles fertilisent les champignons en leur apportant feuilles et pétales de fleurs. En retour, les champignons aident ces insectes à se nourrir en digérant certaines molécules végétales pour eux. On nomme cette relation «symbiose». Cette liaison, vieille de 50 millions d’années, s’est récemment avérée être une petite mine d’or pour des scientifiques canadiens.
Cameron Currie, un écologiste de l’Université de Toronto, a remarqué, il y a déjà dix ans, que les fourmis attines transportaient sur leur dos des colonies de bactéries. Ces bactéries, du genre actinomycète, fabriquent des antibiotiques qui protègent les fourmis contre les infections qu’elles pourraient contracter au contact des champignons. Ce phénomène semble être chose commune dans la nature. «Ce type de symbiose entre des bactéries et d’autres êtres vivants est assez fréquent», souligne Jacques Lapointe, professeur au Département de biochimie et de microbiologie de l’Université Laval. Paul H. Roy, chercheur au laboratoire d’infectiologie du CHUL ajoute que plusieurs bactéries et champignons fabriquent naturellement des antibiotiques. «Des fungi du genre Penicillium et des bactéries comme Streptomyces peuvent synthétiser des antibiotiques», explique le scientifique.
Le 29 mars dernier, Cameron Currie et Jon Clardy, de l’Université Harvard, ont rapporté, dans Nature, avoir isolé et purifié un de ces antibiotiques qu’ils ont nommé dentigerumycin. Ce produit ralentit la croissance de Candida albicans, une levure responsable d’infections chez l’humain. Avec tous les problèmes de résistance aux antibiotiques, les chercheurs espèrent toujours en découvrir de nouveaux ou en produire de meilleurs. «Nous avons un besoin urgent de nouveaux antibiotiques. Si la cible de ce produit est différente de celle des autres antibiotiques, ça permettrait d’enrayer certaines bactéries résistantes aux antibiotiques», souligne M. Roy. Le professeur au Département de biochimie et de microbiologie de l’Université Laval ajoute que des bactéries, telles Pseudomonas, commencent à développer des résistances.
Mais ce n’est pas tout! Ces fourmis seraient de véritables petites usines à biocarburants. Chaque année, les fourmis d’une seule colonie transportent 400 kilogrammes de feuilles afin de fertiliser leurs confrères, les champignons, qui digèrent en retour la cellulose des feuilles pour nourrir les fourmis. Jusqu’à maintenant, personne ne sait comment les champignons s’y prennent pour digérer les feuilles. En laboratoire, les champignons cultivés ne peuvent briser la cellulose, une molécule retrouvée dans les cellules végétales. Les chercheurs sont très intéressés à toute nouvelle façon de dégrader la cellulose, puisque cela permettrait de produire des biocarburants d’une manière plus efficace que ce qui se fait actuellement avec le maïs.
Afin de trouver une telle méthode de dégradation, le Dr Currie et ses collègues ont effectué une étude génétique sur différents microorganismes peuplant l’environnement des fourmis et des champignons. Ils ont cherché les gènes responsables de cette dégradation de la cellulose. Ils ont découvert que plusieurs espèces de bactéries pouvaient briser cette molécule. Ils ont également mis le doigt sur l’enzyme capable d’effectuer cette fonction.